[Fiction] The poet and the muse [Yusaku+Ai]
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[Fiction] The poet and the muse [Yusaku+Ai]
Rappel du premier message :
Les personnages de Détective Conan appartiennent à Gosho Aoyama, les paroles de la chanson qui donne son titre à cette histoire appartiennent à Poets of the fall.
Joignant le geste à la parole, un détective fît tournoyer un rectangle de plastique entre ses doigts avec une joie non-dissimulée. Mais loin d’impressionner une amie d’enfance, la prodigalité et l’arrogance de ce nouveau riche la poussa à froncer les sourcils.
« Tu ne devrais pas parler comme ça de tes parents…et encore moins dilapider leur argent dans leurs dos…parce que je ne pense pas que ton père t’ai confié cette carte pour que tu puisses m’inviter dans un restaurant cinq étoiles… »
Une pointe d’amertume se glissa sur le sourire de son interlocuteur, modifiant légèrement le pli de ses lèvres sans pour autant l’effacer.
« Bah, je trouve que ce n’est pas cher payé pour se racheter une conscience après avoir abandonné leur fils prodigue, pour aller faire leur petite vie aux Etats-Unis, tu ne crois pas ? Franchement, je me demande même s’ils se souviennent seulement de moi… Eh, si on m’assassinait du jour au lendemain, est-ce que tu penses qu’ils prendraient au moins la peine de s’acheter deux billets d’avions pour assister à l’enterrement ? Je n’en suis même pas sûr… «
Aussi effrontée que soit l’expression de son camarade de classe, la fureur de Ran fût adoucie par la tristesse qu’elle ne pouvait s’empêcher de déceler derrière le portrait peu flatteur qu’un adolescent tirait de ses parents.
Comprenant mieux que personne la rancune que pouvait ressentir un enfant qui s’imaginait abandonné par un parent, et à quel point elle n’était pas incompatible avec l’amour filial, en plus de faire souffrir celui qui la ressentait bien plus que celui qui la recevait, la fille d’une avocate préféra user de son droit à conserver le silence.
« Bon, j’exagère, c’est vrai… J’aurais les meilleurs parents du monde devant ma tombe… Mais je ne sais pas ce qui préoccupera le plus ma mère…celui qu’elle a perdu, ou sa performance éblouissante dans le rôle de la mère éplorée séparée de son unique enfant… Quant à mon père… je suis sûr que ça le démangera de ne pas sortir son carnet pour prendre quelques notes qu’il pourra recycler dans ses prochaines histoires, maintenant qu’il a une fenêtre d’ouverte sur le cœur d’un parent en deuil… Oh, oui, je ne lui sortirais plus de la tête après la cérémonie, c’est sûr…parce que je te parie que ça lui aurait carrément donné l’idée d’écrire un roman pour mettre en scène la mort du détective, en me donnant le premier rôle… mais ne t’inquiète pas, il aura la décence de changer les noms des personnes concernés pour faire un minimum illusion… Je me demande quel nouveau nom il me donnera, d’ailleurs… Le connaissant, ce sera un clin d’œil à Conan Doyle… Pas que ça me dérangerait, notes bien… Oui, je le vois bien prendre Conan comme prénom… et comme nom de famille…puisqu’il préfère écrire les histoires policières en se plaçant du point de vue du meurtrier, je suppose qu’il ne pourra pas s’empêcher de compléter par Edogawa… Ironique quand on pense qu’Edogawa Ranpo était déjà un nom fictif à la base… »
« Tu ne crois pas si bien dire, Shinichi… »
Une confession désabusée murmuré par un écrivain, qui contemplait d’un air mélancolique les derniers mots qui s’affichaient sur l’écran de son ordinateur portable.
Ce n’était pas pour s’essuyer les pieds sur ses malheureux parent qu’il avait placé son insupportable fils unique à la table du restaurant de luxe où il avait fait sa demande à mariage à sa mère, dix-sept ans plus tôt… Est-ce que c’est idiot ne pouvait pas déchiffrer le contexte que son créateur avait disposé autour de lui ? Il y avait son amie d’enfance en face de lui, et le précédent établi par ses parents derrière lui, Shinichi était supposé prendre exemple sur le couple qui lui avait donné naissance, pas trouver à redire sur l’éducation dont il avait bénéficié…
Décidément les personnages de fiction étaient comme les enfants, ils ne se cantonnaient jamais dans les routes gentiment tracés par celui qui leur avait donné le jour, préférant gambader joyeusement en dehors, quitte à entraîner leur parent par la main pour les trainer, lui et son histoire, dans une direction inconnue… ou terminer dans un cul-de-sac…sous la forme d’une tombe…
Il y avait quand même une différence qui demeurait… Dans le cas d’un personnage de fiction, il pouvait le ressusciter d’un claquement de doigt pour satisfaire les lecteurs qui n’arrivaient pas à faire leur deuil de leur héros… Eh, le grand Conan Doyle avait procédé de cette façon avec l’irritant détective de Baker street, après tout…
Mais quand c’était un enfant de chair et de sang, qui existait en dehors de ses livres, cette option n’était plus disponible… Il fallait se décider à faire son deuil et tourner la page pour de bon…
Relâchant un soupir, Yusaku actionna une touche de son clavier, avant d’y maintenir son doigt enfoncé, effaçant petit à petit, mot par mot et ligne par ligne, les récriminations de sa mauvaise conscience qui avait joué les ventriloques en empruntant la voix de son fils défunt…
« Ce n’est pas faute d’avoir résisté à la tentation, tu sais… »
Des mots qui ne s’adressaient à personne, ou plutôt une personne qui ne pouvait plus les entendre, mais qui leur apporta quand même une réponse, en prenant possession du corps ou plutôt des mains d’un écrivain, qui cessa d’effacer des mots pour en inscrire d’autre…
Pourquoi s’embarrasser de prétexte après tout ? Nul besoin de perdre du temps à façonner une atmosphère, planter un décor pour la scène ou rajouter des figurants… Ce roman qu’il écrivait n’était pas destiné à la publication de toutes manières… Rien d’autre qu’une manière pour un père en deuil de faire tourner les tables et de s’adresser à son fils disparu…
Autant couper les intermédiaires… Cette conversation pouvait bien se dérouler au sein d’un espace d’un blanc immaculé sans le moindre détail inutile pour le souiller… Pas besoin de se dissimuler derrière un autre visage, que ce soit celui d’une personne réel ou fictive… Autant affronter sa progéniture face à face, cette progéniture qui ne pouvait plus lui parler qu’au sein de l’univers qu’il pouvait façonner de l’autre côté de son écran d’ordinateur…
« Alors tu peux m’expliquer ce que je fais là ? Je n’ai jamais invité Ran à ce restaurant… Eh, pour ce que j’en sais, je ne t’ai jamais dit que j’avais envie d’en faire autre chose qu’une amie…»
« Tu as encore du chemin à faire pour rivaliser avec moi en tant que détective, même si tu ne te débrouille pas trop mal… Tu ferais même un protagoniste de roman policier acceptable…mais en ce qui concerne les femmes…et tes sentiments… Ah, tu as encore beaucoup à apprendre pour contredire ton vieux père, crois-moi… »
« Non, je n’ai plus rien à apprendre…tu n’as plus rien à m’apprendre justement…parce qu’on ne m’a pas laissé l’occasion de te démontrer que je pouvais me débrouiller sans toi… Je suppose que ça doit te réjouir, non ? Tu pourras regarder ton fils de haut jusqu’à la fin de tes jours…et des miens…puisqu’ils se sont déjà écoulé… »
« Non…ça ne m’amuse pas du tout… Contrairement à ce que tu t’imaginais, je ne le craignais pas, ce jour où tu me remettrais à ma place, je l’espérais… »
« Pas autant que moi, tu sais… Et ne crois pas t’en tirer par ce faux-fuyant… Même si j’avais été amoureux de Ran, qu’est-ce que tu veux que ça me fasse de lui faire ma déclaration entre deux pages d’un de tes romans? Qu’est-ce que tu veux que ça lui fasse ? Et tu crois que ça va me satisfaire de te mettre échec et mat dans une histoire derrière laquelle tu te caches ? Ça ne va même pas te satisfaire, toi, et tu le sais mieux que moi…Au lieu de profaner la sépulture de ton fils pour en faire une marionnette dont tu peux tirer les fils tranquillement dans ton cabinet de travail, tu ne devrais pas être sur le terrain, à chercher la trace de ses assassins ? Sherlock Holmes ne ressortira pas des chutes de Reisenbach indemne, cette fois, alors il va falloir te décider à te lever de ton siège, Mycroft… »
Si Yusaku baissa les yeux, pour ne plus faire face aux mots accusateurs qui illuminaient l’écran de son ordinateur, il ne cessa pas pour autant de mouvoir ses doigts sur le clavier, rédigeant les mots qu’il n’avait plus la force de murmurer à un fantôme.
« Mais si je sors de ce cabinet, j’y perds ma place en tant que Conan Doyle, tu sais ? Et dans le monde où je dois me contenter d’être Mycroft, l’auteur ne m’a pas laissé la moindre piste à me mettre sous la loupe... et ce n’est pas faute d’avoir fureté, crois-moi… Je me suis même trainé à quatre pattes sur les lieux de ton crime, pour en retourner le moindre brin d’herbe, sans résultat… j’ai eu le bras assez long pour examiner le peu d’indices récupéré par Megure, au lieu de les laisser sous scellés dans un dossier non classé, mais ils sont demeurés muets… Même le témoignage de cette pauvre Ran ne m’a pas fait progresser d’un pouce…Il faut croire que le Conan Doyle que nous avons en commun n’a pas le génie ou le fair play de son illustre prédécesseur… Lorsqu’il a choisi d’assassiner le héros qu’il ne pouvait plus supporter, il l’a fait d’un claquement de doigt, sans se casser la tête à laisser le moindre embryon de réponse à tes trois questions favorites… who dunnit… how dunnit…ou même why dunnit… »
Des excuses que l’écrivain n’aurait pas jugé convaincante s’il les avait glissé dans la bouche d’un personnage fictif, aussi se décida-t-il à rabaisser brusquement l’écran de son ordinateur avant d’avoir rédigé la réponse de son fils, mettant l’appareil en veille en même temps que celui qu’il y avait emprisonné, lui accordant enfin le repos qu’il s’obstinait à lui refuser…
Malheureusement, il ne s’écoulerait guère de temps avant que ce fantôme ne revienne le hanter… Il serait là à l’attendre, sur la surface d’une page blanche ou d’un écran d’ordinateur, la prochaine fois qu’il se mettrait en tête de rédiger un roman…
L’inspiration n’avait pas abandonné Yusaku Kudo, loin de là… Mais les personnages qu’il créait ex nihilo pour peupler ses prochaines publications finissaient fatalement par s’effacer derrière son fils…et la seule histoire qui parvenait à se dérouler sur son écran était supposée avoir trouvé sa fin définitive depuis des mois…
« Peut-être que tu n’étais pas très juste quand tu m’accusais d’être un écrivain avant d’être un père… »
Ce n’était pas avec ces mots qu’il arriverait à faire taire sa mauvaise conscience… Cette mauvaise conscience qui lui rappelait que c’était avant la mort de son fils qu’il fallait laisser le père prendre le pas sur l’écrivain, pas après…
A l’instar de tous les auteurs de fiction, Yusaku était hanté par une éternelle question… Et si ?
Et si au lieu de désigner le médecin de famille, le détective pointait la domestique d’un doigt accusateur, n’en déplaise à monsieur Van Dine? Quitte à violer l’isocalogue, pourquoi ne pas mettre en scène un suicide déguisé en meurtre ? Voir même un accident stupide auquel une série de coïncidences improbables aurait donné les apparences d’un assassinat ?
Et si le patriarche n’était pas la première victime de la série de meurtre qui ensanglanterait le manoir, mais la troisième plutôt ? Quel impact cela aurait-il sur l’histoire et les personnages survivants ?
Et si le docteur Watson était le véritable génie des enquêtes, ayant embauché un acteur du nom de Sherlock Holmes pour jouer le rôle de détective en public ? Un petit pastiche de Conan Doyle ne ferait pas de mal, pour se changer les idées…
La capricieuse petite question continuait de hanter l’esprit de Yusaku, l’empêchant d’inscrire le mot fin en bas du dernier manuscrit, ou de rédiger le premier mot sur une page blanche…mais elle avait rétracté son infinité de branches pour se recroqueviller sur une seule variante…
Et si…un père avait passé son temps au Japon plutôt qu’aux Etats-Unis, est-ce qu’il aurait pu sauver la vie de son fils ?
Question futile, qu’elle qu’en soit la réponse, cela ne changerait rien pour la famille de la victime…ou si peu…
C’est sur cette pensée désabusée que le père de Shinichi referma la porte de son cabinet de travail, avant de cligner les yeux devant l’aurore qui perçait à travers les vitres d’une fenêtre…
Encore une nuit blanche au compteur… Une constatation qui fût accueillie par un bâillement et un haussement d’épaule, c’était loin d’être la première, alors il pouvait s’en soucier comme d’une guigne… Hélas, c’était également loin d’être la première nuit aussi blanche que les pages qu’il avait laissé derrière lui… Un phénomène qui avait augmenté de manière inquiétante, ces derniers mois… Depuis la nuit fatidique où son vieil ami, le commissaire Megure, lui avait passé un coup de fil pour évoquer une affaire de meurtre qui n’était pas tout à fait comme les autres…
En fait, on pouvait même douter qu’il s’agisse d’un meurtre en tout premier lieu, et si le disparu n’avait pas partagé son nom de famille avec un écrivain, le commissaire aurait sans doute enterré l’affaire avec un haussement d’épaule…
Un adolescent dans la force de l’âge s’était éteint brusquement sans rime ni raison…et si les médecins légiste qui s’étaient penché sur le cadavre avaient été incapable d’attribuer une cause à son décès, ils n’avaient pas non plus trouvé la moindre molécule d’une substance nocive dans les cellules du décédé…
A croire que l’auteur de cette histoire avait supprimé un de ses personnage en laissant un blanc dans la partie du texte destiné à fournir une explication au lecteur, remettant à plus tard la tâche de rétablir la cohérence de son roman, avant de l’oublier pour passer à autre chose, au plus grand désarroi des personnages qu’il avait épargné…
Dans les premières semaines qui avaient suivi la triste cérémonie qui l’avait ramené au Japon avec son épouse, Yusaku avait accordé le bénéfice du doute à l’auteur qui se dissimulait derrière la mort de son fils, mais après des nuits blanches consacré à la réflexion et des journées de recherches acharnées sur le terrain, il en était venu à la conclusion que son collègue n’était définitivement pas un adepte du fair play who dunnit… s’il s’agissait seulement d’un écrivain de roman policier…
Peut-être qu’il n’y avait pas d’assassin à traquer après tout… Peut-être que ce mystère n’était pas à la portée d’un policier ou d’un écrivain de roman policier, qui devaient s’effacer derrière les médecins, avec le maigre espoir que la science rattraperait son retard de leur vivant…
La vengeance comme la justice lui ayant tourné le dos, l’écrivain s’était réfugié dans l’univers qu’il connaissait le mieux, celui où il demeurait la divinité omnisciente et omnipotente plutôt qu’un père forcé de faire le deuil de son fils unique…
S’il avait pu faire ce pacte avec le diable, l’écrivain aurait volontiers renoncé pour de bon à son inspiration en échange de la vie de son fils… mais malheureusement, que ce soit le ciel ou l’enfer, personne n’écouta ses prières, et l’inspiration fût justement tout ce qui lui resta pour compenser l’absence d’un enfant…
Quoique, en un sens… il avait bien fait ce pacte… puisqu’il était incapable de rédiger la moindre ligne si on ne pouvait pas l’insérer dans une histoire qui n’aurait pas Shinichi Kudo comme héros à mettre en scène…
Des réflexions qui guidèrent les pas de l’écrivain, pour changer de ses mains, le poussant à se rapprocher d’une chambre vide…
Il n’était pas le seul qui avait succombé à la tentation de s’y réfugier… Son épouse en avait déjà franchi le seuil, pour se placer au chevet du lit de son fils disparu…
Ce n’était pas la première fois, et Yusaku n’avait jamais eu le cœur de lui adresser des reproches qui lui auraient paru bien hypocrites… En revanche, c’était bien la première fois qu’il voyait son épouse penchée sur ce lit, à faire mine de caresser les cheveux d’un enfant qui n’y dormait plus…
Un début de panique commença à gagner Yusaku… A défaut d’avoir la capacité de pouvoir donner une forme concrète au monde imaginaire où son fils aurait encore sa place, Yukiko avait-elle décidé de s’y emmurer pour de bon, quitte à passer pour une folle aux yeux du reste de la planète, sans que son mari puisse les contredire ?
Non, il fallait se calmer avant d’envisager le pire, il était écrivain, elle était actrice, la déformation professionnelle avait imprimé une marque différente sur leur manière de vivre un deuil, voilà tout… Jouer un rôle sans spectateur pour admirer la performance, ce n’était guère plus malsain que d’écrire des romans qui n’étaient pas destiné à être lu, après tout…
Loin d’avoir émoussé les talents de son épouse, le deuil l’avait apparemment placé au sommet de son art. L’espace d’un instant, Yusaku lui-même eut l’impression qu’il y avait réellement un enfant sous cette couette… Un instant qui se prolongea…sans donner le signe de s’effacer dans le passé au bout de plusieurs minutes…
Après avoir éprouvé des doutes sur sa propre santé mentale, et soupçonné la folie de son épouse d’avoir été contagieuse, l’héritier de Conan Doyle se décida à écarter l’impossible pour se concentrer sur ce qui restait aussi improbable cela puisse être…
Un enfant avait pris la place de celui qu’on leur avait dérobé…
Yusaku rejoignait Yukiko au chevet de leur invité surprise…leur invitée d’ailleurs… A défaut de lui restituer son fils, l’auteur de cette histoire lui avait substitué une fillette de sept ans… et son personnage principal ne savait pas quel sens il fallait donner à ce coup de théâtre…
Il se tourna tournant vers l’actrice, qui n’avait pas cessé de promener gentiment ses doigts dans une chevelure auburn, donnant l’impression de veiller sur le sommeil de sa propre fille après qu’elle se soit éveillé d’un cauchemar, appelant ses parents au secours…
La manière dont l’amour maternelle étirait les lèvres de son épouse, pour leur donner un pli qui n’était ni moqueur ni même malicieux poussa l’écrivain à conserver le silence, de peur de lui poser la question de trop qui mettrait fin à ce rêve qu’elle faisait alors qu’elle demeurait éveillée…
Un rêve que Yusaku partagea avec elle jusqu’au moment où il se décida à prendre fin, quand un petit corps chétif commença à se mouvoir, et qu’une fillette releva les paupières pour faire face à ceux qui s ‘étaient substitués à ses parents en leur absence…
Vision qui la poussa à écarquiller les yeux dans une expression où la stupeur se mêlait à la terreur… Une terreur qui la poussa à reculer pour se mettre hors de portée de la main d’une actrice, distance qui s’avérait encore trop courte au goût de la fillette puisqu’elle tenta de s’extirper de la couette pour s’enfuir hors de la chambre… Une tentative d’évasion qui se heurta à un obstacle de taille, la tornade rousse qui avait décollé de sa chaise pour sauter sur le lit, et refermer ses bras autour de son occupante, transformant sa couette en camisole de force tandis qu’une mère de famille frottait sa joue contre une chevelure auburn.
« Non, non, non, ma petite demoiselle… On ne va pas s’enfuir comme ça après avoir volé le lit de mon fils… »
Il n’y avait pas la moindre accusation ou le moindre reproche pour flotter sur la mer de tendresse qui s’était écoulé des lèvres d’une actrice, mais les mots qui se glissèrent dans l’oreille de la fillette semblèrent pourtant faire monter son angoisse d’un cran…
De fait, et si on en jugeait au tremblement qui agitait le corps que Yukiko maintenait contre le sien, l’actrice donnait l’impression d’avoir capturé une criminelle, pour la soumettre au plus cruel des châtiments…. Ce qui offrait un contraste frappant avec l’espièglerie qui brillait dans les yeux de la mère de famille tandis qu’elle arborait un sourire attendri.
Au bout de quelques minutes dans la plus douce des prisons, la petite voleuse se décida néanmoins à sortir de son mutisme…
« Je…suis désolé…Je ne voulais pas…je n’avais pas le choix…je…je…suis désolé…désolé…désolé… »
Ce murmure comme les larmes qui l’accompagnaient dissipa la joie naïve et possessive de l’actrice, qui se tourna vers un écrivain pour l’interroger d’un regard aussi désorienté que le sien tandis qu’il contemplait ce spectacle.
Pour un peu, on aurait pu croire que la fillette réclamait l’absolution pour l’assassinat d’un détective lycéen en lieu et place d’excuses pour avoir emprunté son lit à ses parents endeuillés…
Une pensée stupide mais qui était adaptée à la réaction disproportionné de la petite prisonnière que Yukiko essayait vainement de consoler, en relâchant légèrement son étreinte pour lui caresser les cheveux et lui murmurer qu’elle était déjà toute pardonnée pour son crime…
Tandis que l’aurore baignait la scène de ses rayons, l’écrivain se demanda si Yukiko n’avait pas trouvé une spectatrice devant laquelle elle pourrait jouer le rôle qui lui tenait tant à cœur et qui s’était achevé bien trop tôt… Celui de mère…
De son côté, et avec le recul, il se rendrait compte qu’il avait fait la rencontre d’une nouvelle lectrice…qui le convaincrait que certains romans pouvait intéresser d’autres personnes que les parents de son personnage principal…
Les personnages de Détective Conan appartiennent à Gosho Aoyama, les paroles de la chanson qui donne son titre à cette histoire appartiennent à Poets of the fall.
The poet and the muse
The poet came down to the lake
To call out to his dear
'When there was no answer
'He was overcome with fear
He searched in vain for his treasure lost
And too soon the night would fall
And only his own echo
Would wail back at his call
And when he swore to bring back his love
By the stories he'd create
Nightmares shifted in their sleep
In the darkness of the lake
« …ne t’inquiète pas pour l’addition… Un père indigne m’a laissé sa carte de crédit avant de partir… »Joignant le geste à la parole, un détective fît tournoyer un rectangle de plastique entre ses doigts avec une joie non-dissimulée. Mais loin d’impressionner une amie d’enfance, la prodigalité et l’arrogance de ce nouveau riche la poussa à froncer les sourcils.
« Tu ne devrais pas parler comme ça de tes parents…et encore moins dilapider leur argent dans leurs dos…parce que je ne pense pas que ton père t’ai confié cette carte pour que tu puisses m’inviter dans un restaurant cinq étoiles… »
Une pointe d’amertume se glissa sur le sourire de son interlocuteur, modifiant légèrement le pli de ses lèvres sans pour autant l’effacer.
« Bah, je trouve que ce n’est pas cher payé pour se racheter une conscience après avoir abandonné leur fils prodigue, pour aller faire leur petite vie aux Etats-Unis, tu ne crois pas ? Franchement, je me demande même s’ils se souviennent seulement de moi… Eh, si on m’assassinait du jour au lendemain, est-ce que tu penses qu’ils prendraient au moins la peine de s’acheter deux billets d’avions pour assister à l’enterrement ? Je n’en suis même pas sûr… «
Aussi effrontée que soit l’expression de son camarade de classe, la fureur de Ran fût adoucie par la tristesse qu’elle ne pouvait s’empêcher de déceler derrière le portrait peu flatteur qu’un adolescent tirait de ses parents.
Comprenant mieux que personne la rancune que pouvait ressentir un enfant qui s’imaginait abandonné par un parent, et à quel point elle n’était pas incompatible avec l’amour filial, en plus de faire souffrir celui qui la ressentait bien plus que celui qui la recevait, la fille d’une avocate préféra user de son droit à conserver le silence.
« Bon, j’exagère, c’est vrai… J’aurais les meilleurs parents du monde devant ma tombe… Mais je ne sais pas ce qui préoccupera le plus ma mère…celui qu’elle a perdu, ou sa performance éblouissante dans le rôle de la mère éplorée séparée de son unique enfant… Quant à mon père… je suis sûr que ça le démangera de ne pas sortir son carnet pour prendre quelques notes qu’il pourra recycler dans ses prochaines histoires, maintenant qu’il a une fenêtre d’ouverte sur le cœur d’un parent en deuil… Oh, oui, je ne lui sortirais plus de la tête après la cérémonie, c’est sûr…parce que je te parie que ça lui aurait carrément donné l’idée d’écrire un roman pour mettre en scène la mort du détective, en me donnant le premier rôle… mais ne t’inquiète pas, il aura la décence de changer les noms des personnes concernés pour faire un minimum illusion… Je me demande quel nouveau nom il me donnera, d’ailleurs… Le connaissant, ce sera un clin d’œil à Conan Doyle… Pas que ça me dérangerait, notes bien… Oui, je le vois bien prendre Conan comme prénom… et comme nom de famille…puisqu’il préfère écrire les histoires policières en se plaçant du point de vue du meurtrier, je suppose qu’il ne pourra pas s’empêcher de compléter par Edogawa… Ironique quand on pense qu’Edogawa Ranpo était déjà un nom fictif à la base… »
« Tu ne crois pas si bien dire, Shinichi… »
Une confession désabusée murmuré par un écrivain, qui contemplait d’un air mélancolique les derniers mots qui s’affichaient sur l’écran de son ordinateur portable.
Ce n’était pas pour s’essuyer les pieds sur ses malheureux parent qu’il avait placé son insupportable fils unique à la table du restaurant de luxe où il avait fait sa demande à mariage à sa mère, dix-sept ans plus tôt… Est-ce que c’est idiot ne pouvait pas déchiffrer le contexte que son créateur avait disposé autour de lui ? Il y avait son amie d’enfance en face de lui, et le précédent établi par ses parents derrière lui, Shinichi était supposé prendre exemple sur le couple qui lui avait donné naissance, pas trouver à redire sur l’éducation dont il avait bénéficié…
Décidément les personnages de fiction étaient comme les enfants, ils ne se cantonnaient jamais dans les routes gentiment tracés par celui qui leur avait donné le jour, préférant gambader joyeusement en dehors, quitte à entraîner leur parent par la main pour les trainer, lui et son histoire, dans une direction inconnue… ou terminer dans un cul-de-sac…sous la forme d’une tombe…
Il y avait quand même une différence qui demeurait… Dans le cas d’un personnage de fiction, il pouvait le ressusciter d’un claquement de doigt pour satisfaire les lecteurs qui n’arrivaient pas à faire leur deuil de leur héros… Eh, le grand Conan Doyle avait procédé de cette façon avec l’irritant détective de Baker street, après tout…
Mais quand c’était un enfant de chair et de sang, qui existait en dehors de ses livres, cette option n’était plus disponible… Il fallait se décider à faire son deuil et tourner la page pour de bon…
Relâchant un soupir, Yusaku actionna une touche de son clavier, avant d’y maintenir son doigt enfoncé, effaçant petit à petit, mot par mot et ligne par ligne, les récriminations de sa mauvaise conscience qui avait joué les ventriloques en empruntant la voix de son fils défunt…
« Ce n’est pas faute d’avoir résisté à la tentation, tu sais… »
Des mots qui ne s’adressaient à personne, ou plutôt une personne qui ne pouvait plus les entendre, mais qui leur apporta quand même une réponse, en prenant possession du corps ou plutôt des mains d’un écrivain, qui cessa d’effacer des mots pour en inscrire d’autre…
Pourquoi s’embarrasser de prétexte après tout ? Nul besoin de perdre du temps à façonner une atmosphère, planter un décor pour la scène ou rajouter des figurants… Ce roman qu’il écrivait n’était pas destiné à la publication de toutes manières… Rien d’autre qu’une manière pour un père en deuil de faire tourner les tables et de s’adresser à son fils disparu…
Autant couper les intermédiaires… Cette conversation pouvait bien se dérouler au sein d’un espace d’un blanc immaculé sans le moindre détail inutile pour le souiller… Pas besoin de se dissimuler derrière un autre visage, que ce soit celui d’une personne réel ou fictive… Autant affronter sa progéniture face à face, cette progéniture qui ne pouvait plus lui parler qu’au sein de l’univers qu’il pouvait façonner de l’autre côté de son écran d’ordinateur…
« Alors tu peux m’expliquer ce que je fais là ? Je n’ai jamais invité Ran à ce restaurant… Eh, pour ce que j’en sais, je ne t’ai jamais dit que j’avais envie d’en faire autre chose qu’une amie…»
« Tu as encore du chemin à faire pour rivaliser avec moi en tant que détective, même si tu ne te débrouille pas trop mal… Tu ferais même un protagoniste de roman policier acceptable…mais en ce qui concerne les femmes…et tes sentiments… Ah, tu as encore beaucoup à apprendre pour contredire ton vieux père, crois-moi… »
« Non, je n’ai plus rien à apprendre…tu n’as plus rien à m’apprendre justement…parce qu’on ne m’a pas laissé l’occasion de te démontrer que je pouvais me débrouiller sans toi… Je suppose que ça doit te réjouir, non ? Tu pourras regarder ton fils de haut jusqu’à la fin de tes jours…et des miens…puisqu’ils se sont déjà écoulé… »
« Non…ça ne m’amuse pas du tout… Contrairement à ce que tu t’imaginais, je ne le craignais pas, ce jour où tu me remettrais à ma place, je l’espérais… »
« Pas autant que moi, tu sais… Et ne crois pas t’en tirer par ce faux-fuyant… Même si j’avais été amoureux de Ran, qu’est-ce que tu veux que ça me fasse de lui faire ma déclaration entre deux pages d’un de tes romans? Qu’est-ce que tu veux que ça lui fasse ? Et tu crois que ça va me satisfaire de te mettre échec et mat dans une histoire derrière laquelle tu te caches ? Ça ne va même pas te satisfaire, toi, et tu le sais mieux que moi…Au lieu de profaner la sépulture de ton fils pour en faire une marionnette dont tu peux tirer les fils tranquillement dans ton cabinet de travail, tu ne devrais pas être sur le terrain, à chercher la trace de ses assassins ? Sherlock Holmes ne ressortira pas des chutes de Reisenbach indemne, cette fois, alors il va falloir te décider à te lever de ton siège, Mycroft… »
Si Yusaku baissa les yeux, pour ne plus faire face aux mots accusateurs qui illuminaient l’écran de son ordinateur, il ne cessa pas pour autant de mouvoir ses doigts sur le clavier, rédigeant les mots qu’il n’avait plus la force de murmurer à un fantôme.
« Mais si je sors de ce cabinet, j’y perds ma place en tant que Conan Doyle, tu sais ? Et dans le monde où je dois me contenter d’être Mycroft, l’auteur ne m’a pas laissé la moindre piste à me mettre sous la loupe... et ce n’est pas faute d’avoir fureté, crois-moi… Je me suis même trainé à quatre pattes sur les lieux de ton crime, pour en retourner le moindre brin d’herbe, sans résultat… j’ai eu le bras assez long pour examiner le peu d’indices récupéré par Megure, au lieu de les laisser sous scellés dans un dossier non classé, mais ils sont demeurés muets… Même le témoignage de cette pauvre Ran ne m’a pas fait progresser d’un pouce…Il faut croire que le Conan Doyle que nous avons en commun n’a pas le génie ou le fair play de son illustre prédécesseur… Lorsqu’il a choisi d’assassiner le héros qu’il ne pouvait plus supporter, il l’a fait d’un claquement de doigt, sans se casser la tête à laisser le moindre embryon de réponse à tes trois questions favorites… who dunnit… how dunnit…ou même why dunnit… »
Des excuses que l’écrivain n’aurait pas jugé convaincante s’il les avait glissé dans la bouche d’un personnage fictif, aussi se décida-t-il à rabaisser brusquement l’écran de son ordinateur avant d’avoir rédigé la réponse de son fils, mettant l’appareil en veille en même temps que celui qu’il y avait emprisonné, lui accordant enfin le repos qu’il s’obstinait à lui refuser…
Malheureusement, il ne s’écoulerait guère de temps avant que ce fantôme ne revienne le hanter… Il serait là à l’attendre, sur la surface d’une page blanche ou d’un écran d’ordinateur, la prochaine fois qu’il se mettrait en tête de rédiger un roman…
L’inspiration n’avait pas abandonné Yusaku Kudo, loin de là… Mais les personnages qu’il créait ex nihilo pour peupler ses prochaines publications finissaient fatalement par s’effacer derrière son fils…et la seule histoire qui parvenait à se dérouler sur son écran était supposée avoir trouvé sa fin définitive depuis des mois…
« Peut-être que tu n’étais pas très juste quand tu m’accusais d’être un écrivain avant d’être un père… »
Ce n’était pas avec ces mots qu’il arriverait à faire taire sa mauvaise conscience… Cette mauvaise conscience qui lui rappelait que c’était avant la mort de son fils qu’il fallait laisser le père prendre le pas sur l’écrivain, pas après…
A l’instar de tous les auteurs de fiction, Yusaku était hanté par une éternelle question… Et si ?
Et si au lieu de désigner le médecin de famille, le détective pointait la domestique d’un doigt accusateur, n’en déplaise à monsieur Van Dine? Quitte à violer l’isocalogue, pourquoi ne pas mettre en scène un suicide déguisé en meurtre ? Voir même un accident stupide auquel une série de coïncidences improbables aurait donné les apparences d’un assassinat ?
Et si le patriarche n’était pas la première victime de la série de meurtre qui ensanglanterait le manoir, mais la troisième plutôt ? Quel impact cela aurait-il sur l’histoire et les personnages survivants ?
Et si le docteur Watson était le véritable génie des enquêtes, ayant embauché un acteur du nom de Sherlock Holmes pour jouer le rôle de détective en public ? Un petit pastiche de Conan Doyle ne ferait pas de mal, pour se changer les idées…
La capricieuse petite question continuait de hanter l’esprit de Yusaku, l’empêchant d’inscrire le mot fin en bas du dernier manuscrit, ou de rédiger le premier mot sur une page blanche…mais elle avait rétracté son infinité de branches pour se recroqueviller sur une seule variante…
Et si…un père avait passé son temps au Japon plutôt qu’aux Etats-Unis, est-ce qu’il aurait pu sauver la vie de son fils ?
Question futile, qu’elle qu’en soit la réponse, cela ne changerait rien pour la famille de la victime…ou si peu…
C’est sur cette pensée désabusée que le père de Shinichi referma la porte de son cabinet de travail, avant de cligner les yeux devant l’aurore qui perçait à travers les vitres d’une fenêtre…
Encore une nuit blanche au compteur… Une constatation qui fût accueillie par un bâillement et un haussement d’épaule, c’était loin d’être la première, alors il pouvait s’en soucier comme d’une guigne… Hélas, c’était également loin d’être la première nuit aussi blanche que les pages qu’il avait laissé derrière lui… Un phénomène qui avait augmenté de manière inquiétante, ces derniers mois… Depuis la nuit fatidique où son vieil ami, le commissaire Megure, lui avait passé un coup de fil pour évoquer une affaire de meurtre qui n’était pas tout à fait comme les autres…
En fait, on pouvait même douter qu’il s’agisse d’un meurtre en tout premier lieu, et si le disparu n’avait pas partagé son nom de famille avec un écrivain, le commissaire aurait sans doute enterré l’affaire avec un haussement d’épaule…
Un adolescent dans la force de l’âge s’était éteint brusquement sans rime ni raison…et si les médecins légiste qui s’étaient penché sur le cadavre avaient été incapable d’attribuer une cause à son décès, ils n’avaient pas non plus trouvé la moindre molécule d’une substance nocive dans les cellules du décédé…
A croire que l’auteur de cette histoire avait supprimé un de ses personnage en laissant un blanc dans la partie du texte destiné à fournir une explication au lecteur, remettant à plus tard la tâche de rétablir la cohérence de son roman, avant de l’oublier pour passer à autre chose, au plus grand désarroi des personnages qu’il avait épargné…
Dans les premières semaines qui avaient suivi la triste cérémonie qui l’avait ramené au Japon avec son épouse, Yusaku avait accordé le bénéfice du doute à l’auteur qui se dissimulait derrière la mort de son fils, mais après des nuits blanches consacré à la réflexion et des journées de recherches acharnées sur le terrain, il en était venu à la conclusion que son collègue n’était définitivement pas un adepte du fair play who dunnit… s’il s’agissait seulement d’un écrivain de roman policier…
Peut-être qu’il n’y avait pas d’assassin à traquer après tout… Peut-être que ce mystère n’était pas à la portée d’un policier ou d’un écrivain de roman policier, qui devaient s’effacer derrière les médecins, avec le maigre espoir que la science rattraperait son retard de leur vivant…
La vengeance comme la justice lui ayant tourné le dos, l’écrivain s’était réfugié dans l’univers qu’il connaissait le mieux, celui où il demeurait la divinité omnisciente et omnipotente plutôt qu’un père forcé de faire le deuil de son fils unique…
S’il avait pu faire ce pacte avec le diable, l’écrivain aurait volontiers renoncé pour de bon à son inspiration en échange de la vie de son fils… mais malheureusement, que ce soit le ciel ou l’enfer, personne n’écouta ses prières, et l’inspiration fût justement tout ce qui lui resta pour compenser l’absence d’un enfant…
Quoique, en un sens… il avait bien fait ce pacte… puisqu’il était incapable de rédiger la moindre ligne si on ne pouvait pas l’insérer dans une histoire qui n’aurait pas Shinichi Kudo comme héros à mettre en scène…
Des réflexions qui guidèrent les pas de l’écrivain, pour changer de ses mains, le poussant à se rapprocher d’une chambre vide…
Il n’était pas le seul qui avait succombé à la tentation de s’y réfugier… Son épouse en avait déjà franchi le seuil, pour se placer au chevet du lit de son fils disparu…
Ce n’était pas la première fois, et Yusaku n’avait jamais eu le cœur de lui adresser des reproches qui lui auraient paru bien hypocrites… En revanche, c’était bien la première fois qu’il voyait son épouse penchée sur ce lit, à faire mine de caresser les cheveux d’un enfant qui n’y dormait plus…
Un début de panique commença à gagner Yusaku… A défaut d’avoir la capacité de pouvoir donner une forme concrète au monde imaginaire où son fils aurait encore sa place, Yukiko avait-elle décidé de s’y emmurer pour de bon, quitte à passer pour une folle aux yeux du reste de la planète, sans que son mari puisse les contredire ?
Non, il fallait se calmer avant d’envisager le pire, il était écrivain, elle était actrice, la déformation professionnelle avait imprimé une marque différente sur leur manière de vivre un deuil, voilà tout… Jouer un rôle sans spectateur pour admirer la performance, ce n’était guère plus malsain que d’écrire des romans qui n’étaient pas destiné à être lu, après tout…
Loin d’avoir émoussé les talents de son épouse, le deuil l’avait apparemment placé au sommet de son art. L’espace d’un instant, Yusaku lui-même eut l’impression qu’il y avait réellement un enfant sous cette couette… Un instant qui se prolongea…sans donner le signe de s’effacer dans le passé au bout de plusieurs minutes…
Après avoir éprouvé des doutes sur sa propre santé mentale, et soupçonné la folie de son épouse d’avoir été contagieuse, l’héritier de Conan Doyle se décida à écarter l’impossible pour se concentrer sur ce qui restait aussi improbable cela puisse être…
Un enfant avait pris la place de celui qu’on leur avait dérobé…
Yusaku rejoignait Yukiko au chevet de leur invité surprise…leur invitée d’ailleurs… A défaut de lui restituer son fils, l’auteur de cette histoire lui avait substitué une fillette de sept ans… et son personnage principal ne savait pas quel sens il fallait donner à ce coup de théâtre…
Il se tourna tournant vers l’actrice, qui n’avait pas cessé de promener gentiment ses doigts dans une chevelure auburn, donnant l’impression de veiller sur le sommeil de sa propre fille après qu’elle se soit éveillé d’un cauchemar, appelant ses parents au secours…
La manière dont l’amour maternelle étirait les lèvres de son épouse, pour leur donner un pli qui n’était ni moqueur ni même malicieux poussa l’écrivain à conserver le silence, de peur de lui poser la question de trop qui mettrait fin à ce rêve qu’elle faisait alors qu’elle demeurait éveillée…
Un rêve que Yusaku partagea avec elle jusqu’au moment où il se décida à prendre fin, quand un petit corps chétif commença à se mouvoir, et qu’une fillette releva les paupières pour faire face à ceux qui s ‘étaient substitués à ses parents en leur absence…
Vision qui la poussa à écarquiller les yeux dans une expression où la stupeur se mêlait à la terreur… Une terreur qui la poussa à reculer pour se mettre hors de portée de la main d’une actrice, distance qui s’avérait encore trop courte au goût de la fillette puisqu’elle tenta de s’extirper de la couette pour s’enfuir hors de la chambre… Une tentative d’évasion qui se heurta à un obstacle de taille, la tornade rousse qui avait décollé de sa chaise pour sauter sur le lit, et refermer ses bras autour de son occupante, transformant sa couette en camisole de force tandis qu’une mère de famille frottait sa joue contre une chevelure auburn.
« Non, non, non, ma petite demoiselle… On ne va pas s’enfuir comme ça après avoir volé le lit de mon fils… »
Il n’y avait pas la moindre accusation ou le moindre reproche pour flotter sur la mer de tendresse qui s’était écoulé des lèvres d’une actrice, mais les mots qui se glissèrent dans l’oreille de la fillette semblèrent pourtant faire monter son angoisse d’un cran…
De fait, et si on en jugeait au tremblement qui agitait le corps que Yukiko maintenait contre le sien, l’actrice donnait l’impression d’avoir capturé une criminelle, pour la soumettre au plus cruel des châtiments…. Ce qui offrait un contraste frappant avec l’espièglerie qui brillait dans les yeux de la mère de famille tandis qu’elle arborait un sourire attendri.
Au bout de quelques minutes dans la plus douce des prisons, la petite voleuse se décida néanmoins à sortir de son mutisme…
« Je…suis désolé…Je ne voulais pas…je n’avais pas le choix…je…je…suis désolé…désolé…désolé… »
Ce murmure comme les larmes qui l’accompagnaient dissipa la joie naïve et possessive de l’actrice, qui se tourna vers un écrivain pour l’interroger d’un regard aussi désorienté que le sien tandis qu’il contemplait ce spectacle.
Pour un peu, on aurait pu croire que la fillette réclamait l’absolution pour l’assassinat d’un détective lycéen en lieu et place d’excuses pour avoir emprunté son lit à ses parents endeuillés…
Une pensée stupide mais qui était adaptée à la réaction disproportionné de la petite prisonnière que Yukiko essayait vainement de consoler, en relâchant légèrement son étreinte pour lui caresser les cheveux et lui murmurer qu’elle était déjà toute pardonnée pour son crime…
Tandis que l’aurore baignait la scène de ses rayons, l’écrivain se demanda si Yukiko n’avait pas trouvé une spectatrice devant laquelle elle pourrait jouer le rôle qui lui tenait tant à cœur et qui s’était achevé bien trop tôt… Celui de mère…
De son côté, et avec le recul, il se rendrait compte qu’il avait fait la rencontre d’une nouvelle lectrice…qui le convaincrait que certains romans pouvait intéresser d’autres personnes que les parents de son personnage principal…
Dernière édition par Claude le noctambule le Jeu 8 Mai - 18:29, édité 4 fois
Re: [Fiction] The poet and the muse [Yusaku+Ai]
Chapitre 6
The most intricate thing to find in this world.
Is it a needle that you lost in the desert?
The most intricate thing to find in this world.
Is it a crow's feather that you lost in the darkness of the night?
The most intricate thing to find in this world is,
Realizing your own erroneous contemplation.
-Frederica Bernkastel
Une fois parmi tant d’autres, un écrivain et sa muse échangeaient un regard où brillait une compréhension réciproque… Une fois n’était pas coutume, la compréhension s’entremêlait à la compassion, de part et d’autres… Et une fois qui n’était ni la première et ne serait certainement pas la dernière, lorsque la fillette et l’adulte détournèrent les yeux l’un de l’autre, c’était la même mère de famille impétueuse qui s’y reflétait…
Le crissement d’une serrure qu’on fermait à double tour évoqua la porte d’une cellule qui refermaient ses barreaux sur les deux infortunés condamné à y demeurer, image mentale que partagèrent un romancier et celle qui aurait pu être sa fille…
Et lorsque Yukiko se tourna vers ses deux victimes pour leur adresser le plus exubérant des sourires, tout en glissant dans son corsage la clé de la demeure qu’ils partageaient tous les trois, sa petite cellule familiale lui offrit une expression désabusée et irritée, digne de deux prisonniers contemplant le geôlier qui faisait tournoyer son trousseau de clé au bout de ses doigts, tandis qu’il se tenait du bon côté des barreaux d’une prison…
« Oh, ce n’est pas la peine de me regarder comme ça, je demeurerais inflexible… Et je ne vous laisse que deux options, plier ou briser… »
Deux soupirs s’échappèrent de concert pour s’unir dans la même atmosphère glaciale… Le temps des négociations étaient passé, s’il avait jamais existé, ce dont on pouvait légitimement douter avec Yukiko…
Elle ne leur laissait effectivement pas d’autre choix que la manière dont elle les trainerait derrière elle… et c’était peut-être trop demander de sa part, si on en jugeait à la manière dont elle avait glissé les mains sous les aisselles d’une fillette pour la soulever au-dessus du sol…
Haibara et Yusaku écarquillèrent les yeux de la même manière lorsque la première se retrouva brusquement sur les épaules du second…
« Ce n’est pas en restant enfermée dans le bureau de ce rat de bibliothèque que notre petite rose va perdre sa grisaille…mais puisque les seuls moments où tu sembles décidé à me faire voir ton sourire sont ceux où tu regardes par-dessus son épaule, je suppose qu’il va falloir progresser par étapes, hein ? Petite fille à papa, va… »
Après quelques instant à faire glisser l’arrière de ses doigts le long d’une joue enfantine colorée par un soupçon de honte et un zeste de timidité, Yukiko glissa son bras par-dessous celui de son époux, avant d’entraîner la petite Haibara à aller de l’avant, avec ou sans son accord, laissant tout juste le temps à un père de famille d’attraper les chevilles d’une fillette et à cette dernière de refermer les bras autour de son cou…
« Ne va pas te plaindre, quand il s’agit de nos enfants, tu as toujours tiré la couverture de ton côté… Shinichi aurait pu s’intéresser au cinéma ou insister auprès de sa mère pour que je le laisse assister à un de mes tournages, en se tenant dans les coulisses…mais noonnnn, quand il se décidait à lever le nez d’un des bouquins de ta bibliothèque pachydermique, c’était pour se glisser dans ton bureau pour t’exposer par A+B son hypothèse sur le coupable, avant que tu n’écrive le dernier chapitre… et les choses ne semblent pas si différentes avec cette petite peste… Alors prends la part qui te revient…»
Si Yusaku baissa la tête en fermant les yeux, ce n’était pas pour ployer sous le poids du deuil mais acquiescer à son épouse avec un sourire qui n’était aucunement attristé, simplement amusé.
« …s’il avait réussi à me prendre en défaut, je suppose qu’il se serait guéri de cette déplorable habitude, mais il se faisait systématiquement contredire par les détectives de mes romans… »
« Tsss… Tout ça parce que tu étais trop têtu pour admettre que quelqu’un puisse avoir raison face à toi, qu’il s’agisse d’une épouse ou d‘un fils… Même maintenant, tu ne peux pas admettre que tu trichais, et passait des nuits blanches à trouver un autre coupable qui cadrerait avec les indices que tu avais laissé à ton lecteur… »
Avec une expression nostalgique, Yusaku se remémora la moue boudeuse d’un enfant qui avait jadis proféré ce genre d’accusation, en se basant sur les indiscrétions d’une épouse qui déplorait que le lit conjugal se refroidisse systématiquement dans les derniers jours de la rédaction d’un manuscrit.
« Mais il n’a jamais réussi à trouver la moindre contradiction ou la moindre faiblesse dans mes romans, à la relecture, et ce n’est pas faute de les avoir cherché à la loupe… Alors même qu’il gardait mes anciens chapitres en otage pour ne pas que j’y ajoute une seule ligne dans son dos…De ce point de vue, cela restait une victoire écrasante pour moi…et une bonne leçon pour un gamin trop sûr de lui…Il ne faut jamais déclarer en avoir fini avec un mystère avant d’en avoir atteint la dernière ligne… »
Yukiko secoua la tête en soupirant.
« Pfff… Et il en est fier, en plus… C’était peut-être ton fils, mais ça restait un enfant… tu aurais dû te mettre à son niveau, au lieu de l’écraser sous le poids de tes vingt ans d’avance, dès qu’il faisait mine de te mettre échec et mat à ton propre jeu… Gagner parce que tu as littéralement changé les règles du jour au lendemain, il n’y a vraiment pas de quoi se pavaner, tu sais ? »
« Tu me surestime autant que tu le sous-estime… »
Si l’actrice se laissa aller à sourire à son tour, le bras qu’elle avait entremêlé à celui de son époux lui adressa un coup de coude.
« Oooh ? Une modestie qui ne serait pas fausse et une reconnaissance des mérites de ton fils qui ne serait pas ironique ? Voilà qui nous changerait… Et c’est pour cela que je ne t’accordes pas le bénéfice du doute…»
« Eh, tu n’imagines pas l’enfer où m’a plongé cet insupportable garnement parfois… Reconstruire un mystère de A à Z, alors même que les indices et les alibis sont supposés avoir verrouillé le parcours dans une seule direction, qu’un lecteur un peu trop malin a muré…Un labyrinthe cauchemardesque qui ne t’offres même pas la garantie d’avoir une issue… Essaie d’imaginer ça… Comme si on t’avait transporté…le jour où une petite fugueuse s’est glissé dans notre maison… mais en te laissant dehors sous l’averse qui faisait crépiter notre toit, cette nuit-là… ce moment appartient au passé, alors tu ne peux pas changer le moindre détail d’un millimètre tandis que tu essaie de t’y tailler un chemin… et tu te retrouves à naviguer entre une multitude de gouttelettes qui pourraient te transpercer comme une balle de revolver, si tu étais assez bête pour vouloir passer à travers ou les écarter du revers de la main… C’était une épreuve de ce genre qu’il m’imposait, à chaque fois…alors je peux être fier d’avoir conservé ma place, à le regarder d’un peu trop haut à son goût…parce que je me suis battu bec et ongles pour ce privilège… »
Un privilège qui s’était mué en fardeau maintenant que plus personne n’était là pour le remettre en question… Ce jour où aucune contorsion, aussi acrobatique soit-elle, n’aurait pu lui permettre d’aboutir à une fin différente de celle qu’avait anticipé son fils, il l’avait secrètement désiré autant sinon plus qu’il ne l’avait craint…
Enfin, peut-être que ce sale gamin avait gagné malgré tout… en l’emprisonnant de nouveau dans un roman dont il ne pouvait plus modifier les chapitres précédent, qu’il avait emporté avec lui hors de sa portée, et sans lui offrir le moindre échappatoire, cette fois…
Des réflexions qu’une actrice congédia de la tête d’un écrivain en lui ébouriffant les cheveux de la main gauche, en profitant pour faire subir un traitement analogue au précieux fardeau qui faisait sentir son poids sur ses épaules.
« Peut-être que ce n’est pas une si mauvaise chose que cette petite effrontée s’intéresse tant à tes livres… Il est temps que cet égo surdimensionné se casse les dents sur un lecteur qui ne se laisse pas faire… »
Yusaku sentit la caresse d’un soupir sur sa chevelure.
« Je n’ai jamais aimé prendre la place du détective…même en lisant un roman policier…Et je ne crois pas que j’y arriverais, un jour… Alors, il vaut mieux ne pas essayer de me donner le rôle de votre fils…»
La jovialité de la baronne de la nuit se dissipa petit à petit, tandis qu’elle s’interrogeait sur cette fillette qui s’obstinait à se comporter comme une invitée timide dans ce qui était supposé être son second foyer, malgré tous les efforts de celle qui l’y avait accueillie en l’incitant à faire littéralement comme si elle était chez elle… Malgré ses efforts ou justement à cause de ses efforts ?
Rajouter un deuxième enfant à une famille, que ce soit en passant par le raccourci d’une adoption sous le manteau ou non, ne ramènerait pas le premier à la vie… Et traiter la cadette comme un substitut à l’ainé n’aboutirait qu’à la faire ployer sous une culpabilité grandissante, celle de n’être jamais à la hauteur du prix qu’on exigeait implicitement de sa part, en échange de la nouvelle paire de parents qu’on lui faisait miroiter…
Un processus qui semblait déjà enclenché, la fillette ne lui donnait pas tant l’impression de rejeter son affection que de ne pas s’en estimer digne, et Yukiko n’était pas certaine d’avoir la force de faire machine arrière…
Autant lui demander de mettre un frein à son exubérance naturelle ou de fermer les yeux si elle surprenait Yusaku en flagrant délit de faire la cour à une autre… Impossible, et pourtant c’était sans doute plus facile que d’oublier Shinichi ou même de garder ses souvenirs pour elle alors qu’ils ne demandaient qu’à déborder…
Des pensées amères que son mari dissipa avec douceur en reprenant la conversation au point où une métisse l’avait arrêté.
« Est-ce que ce n’est pas toi qui me disait qu’il était déjà trop tard, à partir du moment où j’avais une lectrice pour s’intéresser à mes élucubrations ? Tu avais raison, il est trop tard, maintenant que je sais pourquoi j’écrivais en premier lieu…pour qu’un lecteur vienne me réclamer la suite du haut de ses trois pommes, et me mette devant mes responsabilités…vis-à-vis de lui mais aussi des personnages que je ne peux pas abandonner à leur situation, sans leur laisser le temps de nous raconter leur histoire… Et Shinichi a encore une histoire à nous raconter, même si j’ai eu du mal à l’admettre, parce que je m’imaginais encore que c’était mon histoire que j’écrivais et pas la sienne…et la tienne…puisque tu y avais ta place… Les personnages de fiction sont comme les enfants, tu ne leur donne pas la vie, c’est eux qui te la prennent, dans ton dos, pour te mettre devant le fait accompli par leur seule présence à tes côtés… Tu ne peux que les abandonner ou les escorter jusqu’au dénouement…»
Si Haibara prit le temps de digérer le sermon enrobé de tendresse, c’est une expression sceptique que sa position dissimula à un romancier.
Un romancier qui, de son côté, lui dissimulait des yeux où la joie dansait main dans la main avec le regret…
Regret pour une chance qu’il avait laissé passer sans s’en apercevoir, joie pour la seconde chance qui s’était glissé dans sa vie, pour faire de son histoire autre chose que l’épilogue interminable de l’échec d’un père indigne…
« Mais vous n’avez pas créé la petite Haibara, tout ce que vous pouvez faire, c’est l’adopter à la place de l’auteur auquel elle a tourné le dos… Que cela me plaise ou non, il avait déjà le dénouement en tête quand je me suis glissé hors de son histoire… »
Yusaku se tourna vers la vitrine d’un magasin, de manière à lui présenter un sourire qui ne différait de celui de son fils que de quelques millimètres.
« Je ne pense pas me tromper en affirmant que ce dénouement ne me conviendra pas, et c’est entre les lignes de mon roman que tu t’es refugié… Tu ne serais pas la première à s’imaginer connaitre la fin de mon histoire avant même que je n’ai écrite, mais rappelle-toi que la seule personne susceptible de me battre à mon propre jeu, s’est systématiquement cassé les dents à ce petit exercice pendant près de dix ans… »
« Ce n’est pas pour me vanter, et vraiment pas pour m’en réjouir, mais je crois que je vais réussir là où il avait échoué, alors vous feriez peut-être mieux d’exclure ce personnage d’une histoire où il n’a jamais eu sa place au fond… Parce que sinon…et pour vous prendre au piège de votre propre métaphore, vous allez-vous retrouver dans les méandres de mon passé, à traquer, en vain, l’illusion d’une fin alternative, au milieu d’une averse susceptible de vous transpercer de part en part comme une balle de revolver… »
L’espace d’une seconde, Haibara avait fait glisser son regard en direction d’une actrice, un geste qui n’était pas passé inaperçu à un écrivain, et il n’avait pas besoin qu’on lui en explicite la signification…
Il n’était pas un détective de roman, ni même un détective tout court, simplement un écrivain de roman policier… Une phrase qu’il avait souvent répétée et qui lui revenait mentalement en écho, avec une modestie qui n’était pas feinte, cette fois…
Est-ce qu’à vouloir hanter les meurtriers de son fils avec le fantôme de leur victime, il n’allait pas finir par le rejoindre dans sa tombe, en entrainant sa mère avec lui ? A vouloir extirper une orpheline de sa tragédie, ne risquait-il pas de la rejoindre ?
Des doutes qui ne pesaient pas lourd en comparaison du regard d’une fillette qui ne demandait qu’à être convaincue qu’elle se trompait…en tout cas aux yeux d’un écrivain tandis qu’il retrouvait son sourire face au reflet de sa lectrice désabusée.
« Oui, j’ai définitivement une histoire à écrire…et une lectrice à convaincre de sa crédibilité… »
« Tututut… Tu as Deux lectrice qui ne te laisseront pas en paix jusqu’à ce que tu aies terminé cette histoire… A moins, que ce ne soit deux auteurs pour une seule lectrice, après tout, tu n’es pas le seul qui devra convaincre une petite récalcitrante…. »
Si Yukiko résista à la tentation d’appuyer son affirmation d’un coup de coude bien senti, elle succomba à celle de laisser sa tête reposer contre celle de son époux, tandis qu’elle contemplait le portrait de famille éphémère qui ornait la devanture d’un magasin…
Bon, celle qui ornait les épaules de Yusaku ressemblaient encore à une orpheline alors qu’elle était supposée être leur fille, mais il ne fallait ni s’en étonner ni s’en plaindre…et se donner implicitement rendez-vous au même endroit, le jour où il n’y aurait plus aucun écart entre le paysage contemplé par deux artistes et celui qu’une fillette aurait sous les yeux…
L’adoption n’était pas un raccourci après tout, pour avoir un enfant en face de soi, il fallait d’abord lui offrir abri et protection pendant au moins neuf mois d’affilée…
Avoir perdu un fils ne vous donnait pas le droit à obtenir une fille sans en payer le prix… Quelle importance ? Aux yeux d’une mère, et a fortiori, d’une mère qui faisait encore son deuil, si les paiements exigés s’avéraient disproportionnés au final, c’est parce qu’ils seraient toujours en dessous de ce qu’on obtenait en échange…
Il fallait procéder par étape, elle avait obtenu une fille à crédit au lieu d’avoir payé comptant… Une enfant qui ne l’avait pas attendu pour naitre et vivre sa propre histoire, avec ses hauts comme ses bas, une histoire qu’il faudrait d’abord prendre la peine de comprendre avant de se mettre en tête de l’intégrer à la sienne…
« Je me demande encore combien de temps il va falloir attendre pour que tu aies ta place dans ce roman… »
L’actrice avait pris la peine de s’écarter de son époux, pour lever les yeux vers celle qui le surplombait, et lui adresser sa requête, face à face… y récoltant un sourire, certes, mais il était trop énigmatique au goût de Yukiko.
« Longtemps…peut-être toujours… et ce serait peut-être mieux pour tout le monde… Dans un roman policier, le but de la criminelle est de demeurer dans l’ombre aussi longtemps que possible…elle y resterait jusqu’à la fin, et au-delà, si on la laissait faire… C’est peut-être frustrant pour le détective et la lectrice, mais toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire… »
Pendant quelques instants, Yukiko s’interrogea sur les raisons qui avaient poussé une fillette à se dissimuler derrière le masque de la criminelle d’un roman policier… Après tout, les personnages qu’une actrice choisissait d’incarner révélaient sa personnalité et son histoire autant qu’ils la dissimulaient, et les êtres humains n’étaient souvent jamais aussi sincères qu’au moment où il prétendait jouer un autre rôle que le leur…
Qu’elle ait fait son entrée en scène dans ce roman ou non, l’ombre de la petite Haibara émergeait néanmoins des coulisses pour éclairer les scènes qui se déroulaient sans elle…
C’était une sœur que le détective n’avait pas pu sauver… Une sœur qui s’était sacrifié en vain pour sa famille… Etait-ce la culpabilité de la survivante qu’une métisse s’était mise en tête de symboliser par un crime fictif qui n’avait pas encore eu lieu ?
Une blessure qui n’avait sans doute pas grand-chose à envier à celle des parents qui avaient dû assister à l’enterrement de celui qui aurait dû leur survivre...
« Mais si tu gardes certaines vérités pour toi, tu perds l’occasion qu’on te contredise, tu sais ? »
Joignant le geste et le sourire à la parole, Yukiko leva la main vers la joue d’une fillette, suscitant son égarement plus que sa gratitude.
« Je ne sais pas si c’est la mort d’une sœur que tu te reproches ou celle des parents que tu as fusionné en un seul personnage, mais… »
Haibara soupira.
« Je n’ai jamais vraiment connu mes parents…qui m’ont abandonné, avec leurs responsabilités sur les épaules, après m’avoir mis au monde… Ils n’ont pas eu le temps…ou pris le temps de laisser des regrets derrière eux, peu importe au fond, et c’est sans doute mieux ainsi… Alors, non, je ne pense pas leur donner de place dans cette histoire, même sous la forme d’une ligne en passant… Enfin, peut-être quelques-unes quand même, si je me décide à introduire leur fille cadette… il faut bien que j’explique d’où vient l’héritage qui lui est tombé dessus à sa naissance… »
Yusaku plissa les yeux, empochant discrètement une pièce de plus pour son puzzle, avant de laisser son imagination combler le vide autour de ce fragment.
« Tu ne devrais pas leur laisser le bénéfice du doute ? Pour ce que tu en sais, ils ont pu rédiger un message à ton attention… un testament…une cassette vidéo destiné à l’adulte que tu deviendrais… ou une série de cassette audio pour chacun des printemps que tu passerais en leur absence jusqu’à leur majorité… C’est peut-être encore là…quelque part…dissimulé dans un coffre-fort rouillé…le double-fond du tiroir d’une commode qui prends la poussière…dans un emballage étanche, sous le siège de toilette d’un ami de la famille, à qui ils rendaient une toute dernière visite…sous la planche d’un grenier dans l’ancienne maison familiale… Es-tu certaine d’avoir cherché ? »
Le sourire d’Haibara n’était pas dépourvu d’une certaine tendresse malgré son pli moqueur.
« Je vois, à défaut de pouvoir contredire explicitement le narrateur, vous pouvez jouer sur ce qu’il n’a pas vu…et c’est un champs très large où vous pouvez déterrer tout ce qui vous arrange… Un mouvement qui n’est pas très honnête, même s’il reste légitime… L’absence de preuve ne sera jamais la preuve de l’absence… Mais est-ce que je dois vous rappeler le nom fort peu flatteur de cette méthode rhétorique ? »
Sous le regard d’une mère, un père et une orpheline partagèrent le même sourire tout en se le dissimulant.
« Ah, mais est-ce que ce n’est pas justement approprié de la part de quelqu’un qui peut être à la fois Dieu et le diable ? Et je peux te prendre au mot, un jour, et glisser ce message sur le parcours de la petite Haibara… »
« Pour que le message en question ait l’effet désirée sur sa destinataire, il faudrait qu’il soit rédigé par mes parents, pas par un écrivain qui joue les ventriloques… »
« Oh, mais je n’ai pas besoin de rédiger ce message… juste de te convaincre qu’il pourrait bien exister quelque part…ou que tes parents auraient pu t’en laisser un, si on leur avait accordé le temps nécessaire… »
Après avoir été uni par le même sourire, le père et sa candidate au rôle de fille offrirent le spectacle de leur contraste à une mère, l’affection de l’un étant juxtaposée en dessous des reproches de l’autre.
« Et quand bien même je serais assez désespérée pour me laisser berner, qu’est-ce que ça m’apporterait, hein ? Vous pouvez m’offrir les meilleurs parents du monde, uniquement parce qu’ils sont condamnés à rester hors-champs jusqu’à la fin de mon histoire, pour le meilleur comme pour le pire… »
Une critique qui sembla faire mouche… Connaissant mieux que personne la souffrance du père qui avait encore tant à dire à son fils, alors que le temps de le faire avait filé derrière, il était venu spontanément à la défense de parents qui méritaient peut-être une meilleure épitaphe, au fronton de la sépulture qu’ils occupaient dans la mémoire de leur progéniture…
Mais il avait oublié que c’était un deuil supplémentaire qu’il se vantait de pouvoir offrir à une fillette…
Laissé à lui-même, Yusaku aurait peut-être déclaré forfait, et admis à son lecteur qu’il n’avait pas réussi à se faufiler entre les gouttelettes de l’averse que constituait le passé de l’histoire dont il écrivait la suite… mais c’était sans compter la troisième personne qui avait son mot à dire sur son dénouement…
« Cela ne ferait aucune différence pour toi ou seulement pour le pire, si tes parents avaient pris le temps de te dire merci ? Merci d’être née… Est-ce que tu n’as pas besoin de les entendre te dire Profites de la vie dans les moments où tu n’as pas le cœur de les remercier de te l’avoir donné ? »
Ce fût au tour d’Haibara d’avoir les lèvres scellées par une question piège…et celle qui s’était substitué à sa mère avait déjà levé un doigt en direction d’un visage enfantin, pour fermer ce verrou à double tour…
« Shhhh… Ne va pas me dire que je ne peux rien savoir de ce qu’ils auraient voulu te dire ou non… Je le sais, parce que c’est ce que j’ai envie de te dire… J’en suis sûre parce que d’une manière ou d’une autre, ce seront des parents sincères qui te laisseront ce message dans le roman, quand tu te décideras à y faire ton apparition…Tes parents… »
L’espace d’un instant, le message que des parents auraient pu laisser dans un lointain passé, et celui que des parents promettaient de glisser dans l’avenir, ils s’entrecroisèrent dans le cœur de la même petite fille, sans doute parce qu’ils lui étaient tous les deux destinés…
Mais cela ne dura qu’un instant, avant que le mot amour ne laisse la tristesse derrière lui, sur le papier, quand il cessa de résonner aux oreilles de la petite Ai.
« Des parents sincères… Vous vous rappelez du surnom auquel j’ai échappé de peu ? Ce surnom que vous voulez rendre plus approprié qu’il ne l’est déjà, en me promettant que la famille que j’ai cru avoir n’était pas la vraie… »
Une expression rêveuse surmonta les mots d’un enfant, des rêves où la joie comme la naiveté n’avaient pas leur place.
« Les coucous ne sont pas simplement de pauvres petits orphelins qu’on a abandonnés à leur naissance, pour les confier à d’autres, plus attentionnés et responsables… La première chose qu’ils font quand leur véritable famille les laisse se débrouiller tout seul, c’est d’assassiner les enfants de leurs futurs parents adoptifs dans leur dos, pour se tailler une place dans un nid douillet qui ne leur était pas destiné à l’origine… »
La petite Haibara donna un pli ironique à ses lèvres tandis qu’elle baissait la tête face à une mère de famille pour contempler la chevelure de celui qui lui tournait le dos.
« Et lorsque ceux qu’on a amputé de leur progéniture reviennent au domicile familial, tout ce qu’ils y trouvent, en plus du carnage qui leur transperce le cœur, et à défaut de l’assassin qui a apparemment pris la fuite pour échapper à leur vengeance, c’est un adorable oisillon qui vient tout juste d’éclore… Si vulnérable, miraculeusement épargné par une nature impitoyable, et qui ne demande qu’à être couvé et consolé de la mort du frère qu’il n’a pas eu le temps de connaitre, et dont il comblera l’absence par sa seule présence… Ahhh… A votre avis, le petit coucou n’as-t-il pas raison, finalement, quand il prend l’affection sincère qu’on lui fourre gentiment dans le bec avec un léger grain de sel ? »
Si elle avait trouvé la force de relever la tête et de continuer de sourire à son interlocutrice, aucune illusion enfantine ne se reflétait dans ses yeux, et c’est la cruauté qui s’était perché sur ses lèvres, après avoir bousculé la tendresse dans le vide, laissant tout juste la tristesse s’y raccrocher du bout des doigts.
« Il ne faut pas se fier aux apparences…c’est quand il donne l’impression de se laisser attendrir qu’il est le plus cynique…quand il ne dit pas non à sa mère poule qu’il est le plus cruel avec elle… et s’il acquiesce gentiment quand sa mère lui dit merci d’être né, c’est pour mieux rire sous cape, parce qu’il entend merci d’avoir assassiné mon fils… Alors ne cherchez pas à le faire sourire… Surtout pas…Vous feriez mieux de le laisser glisser hors du nid à son tour, ce petit coucou… Personne ne vous le reprocherait, vous ne lui avez pas donné la vie, et celle qu’il vous a prise n’était pas seulement la sienne, mais aussi celle de votre seul véritable enfant… S’il vous doit la vie, ce n’est pas de la manière que vous avez imaginé… »
Comme si le cynisme d’un petit coucou ne suffisait pas, Yukiko se sentait également transpercée par le regard de celui qui lui servait de perchoir… Un regard qui semblait guetter son verdict avec un mélange de doute et d’inquiétude…
L’actrice s’efforça de ravaler ses soupirs… Son mari n’avait décidément pas eu tort, ce jour-là, quand il avait observé que les rêveries des petites filles n’avaient pas l’innocence de celles des garçons…
Que faire ? Contredire cette petite effrontée en lui expliquant qu’elle n’était pas responsable de la mort de Shinichi, contrairement à ses parents ?
Elle commençait à connaître sa cadette, en tout cas suffisamment pour savoir qu’elle ne démordrait pas de sa version des faits, et s’y entêterait de plus belle si on faisait mine de l’en extirper de force…
Bien, dans ce cas, autant la prendre au mot… et lui rappeler à quel point la baronne de la nuit demeurerait imprévisible aux yeux de ses enfants…pour le pire mais aussi pour le meilleur…
« Et s’il était trop tard, maintenant que les parents en deuil ont commencé à s’y attacher à leur petit coucou ? Au point d’y reprendre goût, à cette vie qui leur paraissait si fade sans leur fils…à se demander pourquoi ils avaient essayé de l’en exclure dès que possible, quand il était encore là… Non…maintenant que tu as jeté l’oisillon hors du nid, le moins que tu puisses faire c’est de t’y installer, et d’accepter des parents qui ne s’envoleront plus jamais en laissant leur nichée derrière eux… »
Se dressant sur la pointe des pieds, Yukiko enlaça une fillette éberluée pour mieux frotter son front contre le sien.
« Alors si le petit coucou veut se faire pardonner un jour, il devrait arrêter de faire comme s’il était de trop dans notre petit nid douillet… »
Des mots qui avaient su émouvoir, à défaut de convaincre… C’était suffisant pour une mère, qui avait tout son temps devant elle, cette fois…
Si elle avait tourné le dos à un enfant, c’était pour mieux agripper la main d’un écrivain, et l’entrainer en courant dans les rues de la ville, forçant sa petite passagère à resserrer son étreinte pour ne pas chavirer…
Dernière édition par Claude le noctambule le Jeu 8 Mai - 23:03, édité 1 fois
Re: [Fiction] The poet and the muse [Yusaku+Ai]
Kawaï ! LA SUITE ! \O/
Fanderan- Messages : 310
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Re: [Fiction] The poet and the muse [Yusaku+Ai]
Super !
40 tomes d'un coup ! Beau saut de tomes !
Vite, la suite !
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shelling ford- Messages : 759
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Re: [Fiction] The poet and the muse [Yusaku+Ai]
Non, il n'y a pas eu de saut... Yukiko le mentionne bien, Ai n'est pas encore apparu dans le roman, donc ce le volume 18 n'est pas en cours de rédaction...
Si tu veux tout savoir, Yusaku n'a pas encore écrit la sonate au clair de lune, donc nous n'en sommes même pas au tome 7... XD;
(Ce n'est pas un hasard si Yukiko dit à Ai de profiter de la vie...et si parmi les idées de message posthumes qu'il étudie, Yusaku évoque un testament et un coffre fort...)
Ce n'est pas parce que Yusaku trouve de nouvelles idées pour son histoire qu'il va les écrire tout de suite... (Eh, il y a des auteurs qui ont attendu des années pour introduire leur twist ou même une blague qu'ils avaient mis de côté en attendant le bon moment...)
Mais bon, de toutes manières, la vitesse et les détails de la rédaction de l'oeuvre, je préfère garder ça flou... Ce qui est intéressant, dans le cadre de cette histoire, c'est ce qui a inspiré Yusaku, ou la signification qu'il a glissé derrière ses personnages...
Merci pour la review, dans tout les cas.^^
Si tu veux tout savoir, Yusaku n'a pas encore écrit la sonate au clair de lune, donc nous n'en sommes même pas au tome 7... XD;
(Ce n'est pas un hasard si Yukiko dit à Ai de profiter de la vie...et si parmi les idées de message posthumes qu'il étudie, Yusaku évoque un testament et un coffre fort...)
Ce n'est pas parce que Yusaku trouve de nouvelles idées pour son histoire qu'il va les écrire tout de suite... (Eh, il y a des auteurs qui ont attendu des années pour introduire leur twist ou même une blague qu'ils avaient mis de côté en attendant le bon moment...)
Mais bon, de toutes manières, la vitesse et les détails de la rédaction de l'oeuvre, je préfère garder ça flou... Ce qui est intéressant, dans le cadre de cette histoire, c'est ce qui a inspiré Yusaku, ou la signification qu'il a glissé derrière ses personnages...
Merci pour la review, dans tout les cas.^^
Re: [Fiction] The poet and the muse [Yusaku+Ai]
J'avais bien compris, je disais ça parce que Yukiko en parlait.
Merci de m'avoir répondu.
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shelling ford- Messages : 759
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