[Fiction] Full Ace
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[Fiction] Full Ace
Rappel du premier message :
Bonjour ou bonsoir à toi, potentiel lecteur qui, par curiosité, par la simple constatation qu'un nouveau topic est né, ou pour n'importe quelle autre raison, es venu t'attarder ici.
Voici une petite fiction que j'avais en réalité commencée peu après la fin de la rédaction de Ctrl + Z, et qui est donc officiellement ma seconde fiction 100% DC. Bien qu'elle ne vole pas particulièrement haut et ne va certainement pas chercher à être bien complexe, riche en action ou en suspense et toussa toussa, il pourrait s'agir d'une lecture distrayante et qui, malgré tout, peut procurer certains frissons durant sa lecture. Mais bref, je ne m'attarderai pas plus sur un trop long pavé, car il risquerait presque de dépasser cette fiction en terme de longueur, si je m'y mettais vraiment. x) *sort*
Bref ; l'idéal, pour lire cette fiction, est d'avoir lu les files 825-827 (disponibles sur le Kappé juste après le Mystery Train, pour ceux qui ne l'ont pas encore lu [/pub]), puisque cette fiction est un AU (alias Alternative Universe, pour ceux qui ne connaissent pas) qui prend ses racines au début de ces files. Mais après, à peu près n'importe quel fan de DC, peu importe son niveau de lecture/visionnage, peut lire sans être complètement perdu. Même s'il y a des références, elles ne sont généralement pas trop lointaines (enfin si, elles sont placées loin dans le passé de DC, haha. *fuit*).
Nous y sommes donc : dernière fiction 100% DC que je puisse vous présenter pour le moment, je suis en train de finaliser son script. Bien que Probabilities soit prioritaire, Full Ace l'est juste derrière ; et comme ces deux fictions ne dépasseront pas (ou alors, de très peu) les cinq chapitres, vous n'aurez pas beaucoup à attendre. ;3
Suite au fameux coup de raquette qui parvient à assommer Conan, peut-on supposer que cela puisse le rendre amnésique ?
Ran se pencha finalement vers lui et lui conseilla de faire attention, affirmant que les balles étaient dangereuses. Mais il était clair que le danger qu’elles représentaient était moindre face à celui que représentait ce “coach spécial”. Parmi toutes les personnes à qui le détective aurait pu faire appel, pourquoi lui ?!
« Attention ! »
Soudainement sorti de ses pensées, l’enfant releva la tête en sursautant ; il jugea toutefois utile de se méfier de cet avertissement. C’était Bourbon qui l’avait mis en garde, après tout. On ne pouvait savoir ce qu’il avait derrière la tête.
Et pourtant, il eut tort. Même s’il tenta malgré tout de lui accorder une once de confiance après une rapide hésitation et voulut se tourner vers ce qu’il semblait fixer avec peur, il n’en eut pas le temps.
Un objet non identifié le frappa violemment au côté droit de sa tête, l’entraînant aussitôt au sol ; assommé sur le coup, le jeune garçon se tint durement le crâne, tentant de rester conscient tant bien que mal.
Il vit Ran accourir vers lui, terrorisée. Mais Bourbon la suivait de près. Il était juste à côté d’elle et il lui disait quelque chose, mais il n’entendait plus rien.
En tout cas, il n’était sûr que d’une seule chose. Quelque chose qui résonnait dans sa tête comme un son de cloche à proximité le lui hurlait encore et encore. Cela se répétait dans sa tête en boucle, tandis qu’il voulait mettre en garde son amie et essayait de rester éveillé.
Ran, ne t’approche pas de lui !
Il est dangereux, qui sait ce qu’il a derrière la tête !
C’est un d’entre eux !
Un Homme en Noir !
Un membre de l’Organisation !
Hé, Ran, tu m’écoutes ?!
Il ne faut pas…
Il sentit ses paupières trembler, puis s’ouvrir doucement.
Il les referma aussitôt avec violence.
La lumière était trop forte. Il avait mal aux yeux.
« Conan-kun, est-ce que ça va ? »
Il avait mal entendu. Cette voix lui semblait lointaine, brumeuse, comme si elle était tout droit sortie d’un songe.
C’était une question. Personne ne répondit dans les secondes qui suivirent, donc il devait probablement en conclure qu’il était celui à qui on l’avait posée.
“Conan-kun”… C’était un drôle de nom. Mais c’était à lui qu’on s’adressait. Par déduction c’était ainsi qu’il devait bien s’appeler. Et pourtant, cela lui semblait être un nom étrange, qui ne lui allait pas. Il le savait bien, son nom n’était pas “Conan-kun”. C’était…
Il sursauta et se releva d’un bond, yeux écarquillés. Il se les frotta pour les habituer à la lumière de son environnement, mais cela ne lui ôta pas son expression terrorisée.
Il ne se souvenait plus de son nom.
« Conan-kun ?! »
Il leva le regard et dévisagea ce qui devait être l’origine de cette voix : une jeune femme, bien que beaucoup plus grande que lui. Ses cheveux châtain foncé ruisselaient sur ses épaules. Mais ce qui le marqua le plus furent ces deux grands yeux bleus qui le fixaient. Il ne lui fallut pas longtemps pour comprendre qu’elle était surprise, et inquiète en même temps. Mais pourquoi ?
Totalement perdu dans la brume épaisse du fil de ses pensées, il ne trouva rien de mieux à dire que de répéter ses derniers mots dans un murmure dénué de toute émotion : “Conan-kun”. Mais cela ne suffit pas à la rassurer. Elle n’eut pas de réaction pendant quelques secondes, puis elle répéta, plus doucement :
« Conan-kun. Est-ce que ça va ? »
Il posa subitement sa main contre sa tête. Elle lui faisait atrocement souffrir, en un point bien précis. Par déduction il avait dû recevoir malencontreusement quelque chose qui l’avait frappé là. C’était sûrement pour cela qu’elle s’inquiétait, et qu’il avait aussi mal.
Mais qu’est-ce que c’était ? Que s’était-il donc passé ? Il ne savait plus.
Il avait mal. Il ne trouva rien de mieux à répliquer qu’un petit grognement pour témoigner de cette douleur, qui alarma aussitôt la jeune femme.
« Otō-san a appelé un docteur. Il sera là d’ici quelques minutes. »
Elle se retourna aussitôt vers un homme qui devait être un peu plus vieux qu’elle, sans avoir plus de trente ans. Il venait d’arriver, et en le voyant elle s’était précipitée vers lui, lui expliquant rapidement qu’il s’était enfin réveillé et est-ce qu’elle pouvait faire quelque chose pour l’aider s’il-vous-plaît il fallait qu’elle sût si elle pouvait l’aider. Le manque de structure de sa phrase ainsi que le ton qu’elle avait employé témoignait encore de sa profonde inquiétude. Si déjà elle paniquait alors qu’elle savait qu’il était réveillé, il n’osait imaginer l’état dans lequel elle devait être tandis qu’il était inconscient. Parce qu’il lui semblait logique que les évènements avaient pris une tournure similaire au scénario qu’il avait en tête : recevoir quelque chose qui l’a frappé à l’arrière de la tête, probablement par accident ; être assommé par le choc ; tomber inconscient en conséquence.
Et tout oublier.
Cette dernière étape le fit frissonner, si bien que l’homme au teint bronzé l’avait vu et crut qu’il avait de la fièvre, puisqu’il avait aussitôt plaqué sa main contre son front.
Il ne voulait pas avoir oublié.
Il avait peur d’avoir oublié.
Il n’était pas amnésique, quand même… n’est-ce pas ?
Il allait forcément se souvenir de quelque chose. N’importe quoi. Il devait se souvenir de quelque chose. Forcément. Il ne pouvait pas avoir tout oublié…
Et pourtant, il dut bien se résoudre à cette redoutable et terrifiante idée.
Ces personnes lui semblaient totalement inconnues. Il ne reconnaissait pas cet endroit. Il n’avait plus aucun repère concernant l’heure, la date, ou sa situation géographique précise.
Et il ne se souvenait pas de son nom.
Cette personne était assurément très attachée à lui. Elle avait l’air de bien le connaître. Et pourtant il ne pouvait se souvenir d’un seul moment qu’ils auraient passé ensemble. Il ne se souvenait même pas de son nom.
« Ne…
- Oui. Tu veux me dire quelque chose ? »
Il hésita. Il ignorait pourquoi, il sentait qu’il ne devait pas le dire. Et pourtant, cette phrase sortit finalement dans un murmure embarrassé :
« Qui… êtes-vous ? »
La jeune femme qui continuait de s’inquiéter pour lui demanda si cela allait s’arranger. Le vieux monsieur ne dit rien et se contenta de se tourner vers le petit gamin.
« Dis-moi, mon bonhomme. De quoi te souviens-tu ? »
Quelle question étrange. Et pourtant, s’ils affirmaient qu’il était amnésique et que lui-même en était arrivé à la même conclusion plus tôt, cela expliquait beaucoup de choses. Pourquoi il ne se souvenait pas de son nom. Pourquoi il ne connaissait personne. Pourquoi il ne savait pas où il était, et ne se souvenait pas de ce qui lui était arrivé pour qu’il eût aussi mal. C’était un docteur, alors il savait ce qu’il faisait. Alors il devait se prêter au jeu, et lui répondre. Donc il réfléchit longuement à la question, afin de pouvoir lui donner une réponse la plus précise possible :
« Rien. »
Cela avait le mérite d’être clair.
« Un plus un, qu’est-ce que ça fait ?
- Deux. »
Il avait répondu sans hésiter. C’était une question beaucoup trop facile. Tout le monde connaissait tout de même les bases des mathématiques à ce niveau-là. En tout cas, toute personne ayant séjourné plus ou moins longtemps dans un établissement scolaire.
Et pourtant, l’adulte parut content comme s’il avait réussi un exercice difficile.
« Bon. Alors tu vois que tu te souviens déjà de ça, ce n’est pas si mal. »
Il avait raison. De ce point de vue, ce n’était pas si mal.
Même s’il avait l’impression que cela ne suffisait pas à la jeune femme, qui le regardait toujours avec ses mêmes yeux terrorisés. Et même si c’était loin de le satisfaire, lui.
L’homme sortit un stylo de sa poche et le lui montra.
« Peux-tu en faire sortir la mine ? »
Sans répondre, il s’empara du petit outil scripteur et appuya aussitôt sur son embout, ce qui fit en effet sortir la mine dans un petit tintement aigu.
« Vous voulez que j’écrive quelque chose ? demanda-t-il en relevant une tête intriguée.
- Si tu veux. Tu sais ce que tu veux écrire ?
- Non. Je me disais juste que si vous me demandiez de faire sortir la mine d’un stylo, c’était peut-être pour m’en servir après. »
L’homme parut satisfait. Il avait esquissé un sourire, alors cela voulait dire que la réponse qu’il lui avait donnée le satisfaisait.
« Vous transpirez, Monsieur… » fit-il remarquer soudainement d’un air innocemment curieux, presque sans s’en rendre compte. Comme s’il avait voulu garder ce détail pour lui, mais qu’il avait parlé tout haut malgré tout.
Silence. Intrigué, le docteur ne répondit pas et se contenta de lui demander silencieusement de continuer dans sa lancée, l’encourageant du regard.
« Vous êtes venu vite, alors vous avez couru, ne ? Et puis il fait chaud et il y a beaucoup de lumière… Ça veut dire qu’on est en été ? »
Silence. Sans répondre, il se releva et vint se tourner vers la jeune femme.
« … Il va s’en sortir. Sa mémoire reviendra petit à petit, mais il n’a apparemment perdu aucune de ses capacités. »
Il commença à ranger ses affaires, bien que semblant légèrement perturbé. Il attira la jeune femme un peu plus loin alors qu’il allait partir. L’enfant se redressa et se pencha vers le couloir, tendant l’oreille.
« Dites. Il était déjà comme ça, avant ?
- Un peu. Ça lui arrivait de faire de grandes déductions, de temps en temps. Ce n’était pas grand-chose, par rapport à certaines autres qu’il a sorties…
- Il me paraît très lucide, pour un gamin… amnésique, en plus, ce n’est pas courant… Enfin ; voyons le bon côté des choses, ça veut dire qu’il a de grandes chances de s’en sortir sans trop de soucis, et ce coup qu’il a reçu n’a pas altéré ses capacités de réflexion. Ne vous en faites pas pour ça ; si vous l’aidez doucement à se souvenir sans le brusquer, cela devrait être terminé d’ici quelques jours à quelques semaines. »
- Oui. On dirait qu’il ne se souvient d’absolument rien à propos de lui ou de nous. Il m’a dit qu’il avait même oublié son nom… »
Hiroshi Agasa tomba des nues. À ses côtés, Haibara écoutait la conversation de loin, bras croisés, le regard louchant à moitié sur le cinquantenaire.
Assurément, c’était problématique.
L’enfant fit signe au professeur de se pencher, afin qu’elle pût lui murmurer une phrase à l’oreille. L’homme acquiesça silencieusement, laissant penser dans son regard qu’il avait la même intention en tête.
« Ran-kun, il vaut mieux qu’il rentre le plus tôt possible. Il pourra sûrement se souvenir de plus de choses s’il rentre à Tōkyō.
- Je suppose que vous avez raison… Sonoko va être déçue de nous voir partir si rapidement, mais nous n’avons pas vraiment le choix. »
La conversation téléphonique continua encore quelques minutes ; Ran raconta que le jeune détective, encore légèrement sonné par sa blessure, avait été couché pour qu’il pût se remettre ; que si rien d’imprévu n’arrivait, ils seraient prêts à partir d’ici peu de temps et seraient de retour une à deux heures plus tard. Puis tous deux se saluèrent avant de raccrocher.
« Ai-kun…
- Je sais. On ne peut pas lui dire qui il est vraiment, en tout cas pas tout de suite. Il ne saurait pas garder le secret dans cet état.
- Tu veux dire que…
- Oui. On va tous faire comme si c’était vraiment un gamin de sept ans tout ce qu’il y a de plus normal, le temps qu’il commence à se souvenir de quelque chose. Là, on pourra lui rappeler l’importance de garder le secret, et l’aider à se souvenir de tout ça. Ce qui signifie d’ailleurs que nous allons devoir prévenir ce détective d’Ōsaka, et éventuellement ses parents. Si jamais ils passent le voir sans être au courant, on risquerait d’avoir des ennuis. »
L’homme ne trouva rien à redire face à un plan si parfaitement ficelé et si simple ; et pourtant il semblait hésitant. Finalement, la scientifique jugea bon de le convaincre pleinement en lui posant une simple question :
« Vous avez une meilleure idée, peut-être ? »
Il baissa le regard, mais dut avouer qu’ils n’avaient pas réellement le choix, en fin de compte. Même s’il se sentait coupable de devoir mentir à la personne la plus concernée par un tel secret.
Mais Ai-kun avait raison.
Shinichi devait être en état de choc. Tant qu’il serait amnésique, il fallait à tout prix éviter de mentionner cette histoire. Sinon il l’ébruiterait certainement, sans se rendre compte de son importance. Au moins à son entourage proche, c’est-à-dire Ran ou son père. Et il ne le fallait pas.
Un corps inanimé. Juste à côté de lui. Et qui bloquait la porte.
Une jarre ensanglantée auprès de sa tête.
Il hésitait, et pourtant quelque chose lui hurlait qu’il pouvait faire quelque chose. Qu’il devait faire quelque chose.
Répondant à cet instinct, son premier réflexe fut de s’approcher à la fois rapidement et maladroitement du cadavre, posant sa main près de l’une de ses cervicales.
Inutile. Son pouls était arrêté.
C’était donc bien un cadavre. Il avait dû recevoir la jarre sur la tête par accident…
Mais alors, si le bruit venait de se produire, pourquoi le sang était-il déjà sec ?! Quelque chose clochait à coup sûr. Il y avait anguille sous roche.
L’enfant épongea son front. Il faisait vraiment chaud. Pourtant la climatisation était allumée auparavant. Étrange.
Un bruit retentit dans la serrure. Quelqu’un essayait de la trafiquer pour entrer. Il entendit des voix étouffées de l’autre côté de la porte, qui résonnèrent avec un timbre normal une fois la planche de bois débloquée et sur le point de bouger.
Il eut encore un réflexe, qu’il ne remarqua qu’après coup.
« N-N’ouvrez pas cette porte ! »
Son sang-froid et le ton incroyablement sérieux qu’il avait inculqué dans cet ordre l’étonna lui-même, si bien qu’il eut aussitôt un mouvement de recul embarrassé.
C’était le jeune homme légèrement bronzé qui était juste de l’autre côté, face à lui, et qui le dévisageait avec un regard interrogateur.
Finalement, il jugea utile de préciser :
« V-Vous ne pouvez pas l’ouvrir… C’est le corps qui bloque la porte… »
Un élan de surprise parcourut le couloir. L’homme demanda des précisions, qu’il donna aussi honnêtement et précisément que possible. Quelqu’un partit aussitôt prévenir la police, mais il ne savait qui.
Il continua à chercher des indices, faisant encore des remarques sur les détails de la scène et répondant aux questions que les adultes lui posaient ; la jeune femme qui s’inquiétait pour lui demanda toutefois au bout d’un moment à ce qu’on le fît sortir dans les plus brefs délais. Son père aussi affirma que, enquête ou pas, ils avaient un autre problème sur le moment et se devaient de s’en occuper aussitôt, quitte à laisser tout le monde avec la police qui arriverait quelques minutes plus tard.
Il voulut refuser. Quelque chose le poussait à vouloir rester dans cette salle, à continuer d’enquêter. Mais ils ne l’écoutèrent pas et lui conseillèrent tendrement de rejoindre la voiture pour rentrer. Sa mémoire était plus importante que cela, et ce fut l’argument qui le convainquit finalement à se résigner à laisser les professionnels seuls face à la situation.
Et pourtant, justement, il avait senti quelque chose d’étrange, sur la scène de crime. Comme s’il était, subitement, sur un terrain connu. Comme si ce n’était pas la première fois qu’il avait affaire à ce genre de choses.
Comme s’il était sur le point de se rappeler quelque chose. Mais il n’en était pas certain.
Mais en fait, désormais qu’il y pensait, il se demandait bien comment il avait pu faire tout cela avec tant de facilité.
Comment il avait pu retrouver son sang-froid aussi vite face à un cadavre.
Comment il avait pu trouver le courage de s’en approcher pour mesurer son pouls.
Comment il avait appris par ailleurs à mesurer le pouls de quelqu’un.
Comment il avait été capable d’analyser cette scène de crime aussi facilement.
Apparemment, le père de celle qui était si proche de lui était détective. Et il vivait avec lui. Lui aurait-il appris tout cela ? Cela lui semblait malgré tout étrange. On n’apprenait pas ce genre de choses à des enfants de son âge. Il avait bien sept ans, n’est-ce pas ?
D’après le docteur qui l’avait ausculté, seule sa mémoire avait été altérée. Pas ses capacités de réflexion. Donc tout ce savoir qu’il avait appris avant cet accident lui était resté en tête, et il était capable de s’en servir sans souci. Mais il ne savait pas d’où il provenait.
Intéressant… Il faudrait vraiment interroger la jeune femme à ce sujet. Si elle le connaissait si bien que ça, elle devrait pouvoir répondre à toutes ces questions, n’est-ce pas ?
Oji-san.
Edogawa Conan.
Ran-neechan.
Oji-san.
Edogawa Conan.
Ran-neechan. La jeune femme.
Oji-san. Le père de la jeune femme. De son vrai nom, Mōri Kogorō.
Edogawa Conan. Son nom.
Comme s’il craignait de les oublier encore, il se les répétait mentalement durant tout le trajet, le regard perdu dans le vide. Il ne remarquait pas que la lycéenne n’avait cessé de le fixer du coin de l’œil avec inquiétude. Mais il s’en doutait.
« Est-ce que ça va, Conan-kun ? » finit-elle par demander au bout d’un temps.
Plongé dans ses réflexions, l’enfant parut n’avoir pas entendu. Puis, au bout de quelques secondes, il releva la tête en sursaut et la tourna vers elle, lui lançant un regard interrogateur.
« Oh, euh, d-désolé, je n’écoutais pas…
- Ce n’est pas grave, Conan-kun. Je te demandais juste comment tu te sentais… »
Il ne répondit pas, abaissant encore le regard un instant.
« Bien. »
Silence.
« Tu dis ça pour que je n’aie pas à m’inquiéter, c’est ça ?
- N-Non, pas du tout ! … J-Je vais bien. Je t’assure. »
Mais son ton embarrassé et perdu ne trompa personne. L’adolescente baissa le regard.
« Qu’est-ce qui s’était passé, déjà ?
- Une raquette de tennis. La raquette d’une joueuse lui a échappé et t’a frappé. Nous étions chez elle, tout à l’heure. »
Silence.
« C’est bête. »
Elle acquiesça d’un hochement de tête mécanique.
« Elle se sentait vraiment coupable, quand elle a su que ça t’a rendu amnésique.
- Mais ce n’était pas sa faute. C’était un accident. »
Silence.
« Pas faux. »
Mais elle avait hésité un peu trop longtemps pour que sa réponse parût réellement sincère.
Silence. Au bout de quelques secondes, il sentit soudainement une vibration dans la poche de son short, qui le fit soubresauter plus violemment ; il hésita, mais finalement il y plongea sa main et en sortit un petit téléphone portable.
Son téléphone portable, il devait supposer. Donc quelqu’un essayait de l’appeler. Quelqu’un voulait parler à Edogawa Conan.
Oui. Mais qu’allait-il dire ? Le nom que l’écran affichait lui était totalement inconnu, comme il s’y attendait. Et il trouvait plutôt déplacé de répondre pour aussitôt dire qu’il était amnésique et ne se souvenait donc pas de qui il s’agissait. Surtout s’il ne savait même pas à qui il allait s’adresser.
Totalement perdu, le garçon jugea bon d’aussitôt lancer un regard implorant à la jeune femme. Que devait-il faire ?
« Tu devrais répondre. Ce ne serait pas poli… Si tu veux, je prendrai le téléphone pour expliquer après, mais ce serait étrange que je réponde tout de suite à ta place. »
Ce n’était pas une mauvaise idée. Il décrocha aussitôt, approchant le petit engin de son oreille.
« Mo… Moshi-Moshi…?
- Hey, salut Kudō ! T’y as mis le temps pour répondre, quand même ! Je me disais juste que ça faisait un moment qu’on ne s’était pas donné de nouvelles… Alors, combien d’enquêtes as-tu résolues récemment ? »
Kudō. Kudō. Kudō…
Ran-neechan.
Oji-san. De son vrai nom Mōri Kogorō.
Edogawa Conan.
Il n’y avait nulle part “Kudō” dans cette liste. Encore moins dans son propre nom.
« Je… Désolé, je crois que vous avez composé un mauvais numéro… B-Bonne journée. »
Il raccrocha aussitôt, se sentant rougir. Il continua de fixer le petit engin qu’il tenait face à lui sans y toucher, extrêmement embarrassé et, en même temps, dubitatif.
“Oï, Kudō, qu’est-ce que tu— ?!”
Il l’avait bien entendu. Son interlocuteur semblait persuadé d’avoir parlé à la bonne personne. Sinon, il aurait compris rien qu’en entendant sa voix qu’en effet, ce n’était pas le cas. Il s’était trompé de numéro dans son répertoire — puisque son nom, “Hattori Heiji”, était dans le répertoire de son téléphone, il devait en conclure qu’il s’agissait d’un fait réciproque et qu’il le connaissait donc —, et il avait téléphoné à quelqu’un dont il était censé connaître la voix. Et pourtant il n’avait pas l’air de l’avoir remarqué.
Bah. Il avait dû confondre parce qu’il avait une voix similaire à ce “Kudō”, au moins à travers un appareil électronique tel qu’un téléphone.
Même si cela lui semblait peu probable.
Celui qui avait parlé avait une voix de lycéen. Il avait un accent bizarre. Et il avait parlé de “résoudre des enquêtes”… Donc il avait voulu parler à un détective, sûrement. Donc à un adulte, forcément. Mais quel adulte aurait une voix aussi enfantine que la sienne ?
Assurément, c’était étrange.
« Qui était-ce ? demanda alors la jeune femme.
- C’était marqué “Hattori Heiji”. Mais il a dû se tromper de numéro. Il voulait parler à quelqu’un qui s’appelle “Kudō”. »
Il ne voyait pas l’intérêt de le cacher. Cela n’était pas un secret, surtout si elle était aussi proche de lui.
En plus, elle pourrait certainement lui dire qui étaient ces deux personnes, désormais.
Pourtant, quand il la regarda, son regard s’était assombri. Comme si au moins une de ces deux personnes lui rappelait quelque chose. Mais il ne voyait pas du tout de quoi cela retournait.
Après tout, comment pouvait-il ? Il était amnésique. Fallait vraiment qu’il se souvînt au moins de ça.
« J’ai dit quelque chose qu’il ne fallait pas, Ran… neechan ? »
Il avait du mal à l’appeler “grande-sœur”. Après tout, elle était désormais comme une inconnue, pour lui. Et pourtant, elle avait l’air de le connaître depuis tellement longtemps… et elle lui avait confirmé qu’avant, il l’avait toujours appelée comme ça. Ran-neechan. Jamais autrement.
D’un certain côté, il se sentait coupable de ne pas s’en souvenir.
Elle n’avait pas réagi. Donc elle n’avait pas entendu sa question.
À chacun son tour.
Il approcha sa main et voulut la poser sur son bras pour lui reposer la question plus doucement. Mais il hésita au dernier moment, et retira sa main aussitôt alors qu’elle était à quelques centimètres de la jeune femme.
Ce geste la tira de ses pensées, et elle le remarqua. Elle lui lança un regard indéchiffrable.
Conan-kun se faisait beaucoup plus distant et timide, depuis qu’il était devenu amnésique. Mais c’était compréhensible. Il ne savait plus comment aborder les gens de son entourage, puisqu’il avait l’impression de ne plus les connaître… ce malaise qu’il semblait ressentir en permanence devait vraiment être difficile à supporter.
« Ne… Ne t’en fais pas… Tu n’as pas à avoir peur comme ça, nous sommes avec toi… Hein, Conan-kun ? »
Silence. Il la regarda de loin, hésitant. Puis il baissa la tête et détourna le regard, se sentant légèrement rougir.
« D’accord. Ran-neechan. »
Il était difficile de savoir s’il se pliait simplement à sa volonté parce qu’il lui faisait confiance, ou s’il le pensait vraiment. En tous les cas, il était profondément troublant de voir ce petit gamin avec un air aussi perdu et timide, alors qu’il était d’ordinaire si lucide…
« Ne, Ran-neechan…
- Oui ?
- Tu n’es pas ma sœur, hein ?
- Non, non. Otō-san, toi et moi vivons ensemble à l’agence depuis un moment, parce que tes parents sont à l’étranger. »
Il lâcha une légère interjection montrant qu’il comprenait. Et qu’en même temps, il se demandait pourquoi il vivait aussi loin d’eux. Avaient-ils tant de travail qu’ils ne pouvaient s’occuper de lui et préféraient le laisser à la garde de quelqu’un d’autre ?
Il se demandait désormais le genre de sentiments qu’il avait pour eux auparavant. Se sentait-il abandonné ? perdu ? seul ? Avait-il de l’affection pour des parents qu’il ne voyait quasiment jamais, et avec qui il semblait correspondre si peu ?
Et d’ailleurs, que devaient ressentir ses propres parents pour lui, pour qu’ils fussent à l’étranger sans lui et l’abandonnassent à lui-même comme s’il était un adulte responsable et capable de se débrouiller seul ?
Soudainement, il ressentit le besoin de leur parler. Il voulait obtenir la réponse à toutes ces questions.
« Vous les avez prévenus que… je veux dire…
- Non… Nous n’avons jamais réussi à les contacter, en fait. J’ai demandé à Agasa Hakase de s’en occuper.
- Agasa Hakase ? répéta-t-il, curieux.
- Ton oncle. C’est un scientifique qui invente des gadgets un peu bizarres, mais il est très gentil. Tu viens souvent le voir après l’école. Vous vous entendez très bien.
- Ah. »
Silence.
« C’est noté. »
Silence. Le père ne s’attarda pas dans l’entrée et vint aussitôt s’enfermer dans sa chambre – du moins, juste après un passage rapide par la cuisine pour aller chercher une cannette de bière –, probablement pour boire tranquillement.
Conan fit quelques pas hasardeux à l’intérieur de l’appartement, tournant et retournant la tête en tous sens comme pour en sonder les moindres détails. Il devait s’agir de ce qu’il faisait, d’ailleurs.
« Ça ne te rappelle rien, hein… » marmonna-t-elle au bout de quelques instants, un sourire nerveux sur les lèvres.
Conan hocha négativement la tête, prenant un air désolé.
« Ce n’est pas grave… Ça te reviendra plus tard, petit à petit… Le docteur avait dit que ça ne devrait pas durer plus de quelques semaines, alors ce n’est pas si mal, hein…? »
Mais il voyait bien qu’elle n’était pas convaincue. Que le fait qu’il fût amnésique et ne se souvînt de rien à propos d’elle ou de n’importe qui d’autre l’affectait beaucoup plus qu’elle ne le laissait transparaître.
« Je suis ici depuis combien de temps ?
- Eh bien… nous nous sommes rencontrés il y a quelques mois. », affirma Ran.
Donc ils ne se connaissaient que depuis quelques mois. Pourtant, elle lui semblait beaucoup plus proche de lui… Il lui avait semblé qu’elle le connaissait depuis une éternité. Mais cela devait être sa mémoire qui lui jouait un tour.
« Ce sont donc des souvenirs assez récents que j’ai partagés avec vous, répliqua-t-il comme pour confirmer ce qu’il avait en tête. Ne ?
- Oui… Je suppose.
- Généralement, ce sont surtout des souvenirs de longue date qui reviennent le plus facilement à l’esprit, ne ? Dans ce cas, il faudrait peut-être que je retourne là où j’ai vécu durant la plus grande partie de ma vie, puisque je risquerais de me souvenir de beaucoup plus de choses… »
Elle baissa le regard.
« Oui. Sûrement. Il faudra que je le dise à Hakase. Ça voudra dire que tu partiras probablement chez tes parents… »
Il acquiesça d’un mouvement de tête. D’un certain côté, cela ne le ravissait pas, lui non plus. Mais il ne parvenait pas à déceler exactement pourquoi.
Il devait ressentir qu’il tenait véritablement à quelque chose ou à quelqu’un qui se trouvait là, sous ses yeux, et qu’il s’en séparerait s’il venait à vivre chez ses parents. Mais il ne parvenait pas à mettre le doigt dessus.
« Je reviendrai. Quand j’aurai retrouvé ma mémoire. »
Il avait voulu la rassurer. Mais d’un autre côté, il le ressentit comme si ses propres paroles visaient en réalité à l’en persuader lui-même.
« Ne, Ran-neechan. Tu connais bien mes parents ? Tu saurais me parler de choses qui pourraient m’aider à me souvenir de quelque chose ? »
L’adolescente parut réfléchir un moment. Puis elle parla :
« Je ne sais pas… Quand Otō-san a des enquêtes, tu es souvent là, et tu l’aides souvent en lui donnant des indices… Tu dis souvent que c’est Kudō Shinichi qui t’en a parlé, donc je pense que tu le connais plutôt bien… »
Silence.
« Kudō… C’est le même Kudō que tout-à-l’heure ?
- Oui. Kudō Shinichi. C’est un lycéen qui est dans ma classe. Il adore les enquêtes, un vrai maniaque… D’ailleurs, en ce moment, il est dans une affaire sur laquelle il bloque depuis des mois, à un point tel qu’il ne vient même plus en cours… »
Il acquiesça lentement. Cela semblait tout de même bizarre qu’un adolescent pût manquer ainsi les cours aussi facilement, même s’il s’agissait d’une enquête à mener… Quel genre d’affaire cela pouvait-il bien être ? Lorsqu’il lui posa la question, elle lui avoua avec déception qu’elle n’en avait pas la moindre idée, qu’il refusait de lui en parler.
Elle s’approcha alors d’une étagère qu’elle fouilla, finissant par en sortir un album rassemblant de vieilles photographies. Elle l’invita à s’assoir à ses côtés sur le canapé, posant le grand livre sur ses genoux afin d’être en mesure de le manipuler facilement.
Dès les premières images, l’enfant sursauta et pointa une personne en particulier du doigt. Cet enfant, qui avait le même âge que lui, lui ressemblait parfaitement, à cela près qu’il ne portait pas de lunettes. Et pourtant, au vu de l’âge des personnes environnantes qu’il put reconnaître – c’est-à-dire, en fin de compte, uniquement la jeune fille et son père –, il avait logiquement le même âge que cette dernière.
« C’est Shinichi, répondit-elle tout simplement. Nous nous connaissons depuis que nous sommes tout petits. »
C’était quand même incroyable à quel point il lui ressemblait. Quand il lui fit la remarque, elle se contenta de rire nerveusement, lâchant un “N’est-ce pas ?” à l’aspect anodin. Et pourtant, il lui sembla qu’elle lui cachait quelque chose.
Mais il devait se tromper. Elle ne lui cachait rien, n’est-ce pas ? Pourquoi lui aurait-elle caché quoi que ce fût ?
Ran-neechan referma la porte une fois qu’il l’eut suivie à l’intérieur ; puis elle ôta son manteau et ses chaussures, les rangeant dans l’entrée : il fit aussitôt de même.
Lorsqu’ils entrèrent dans la salle principale, ils remarquèrent un homme qui leur tournait le dos, affairé dans un coin de la salle à manipuler quelques pièces mécaniques avec de grandes précautions.
En effet, s’il n’était pas un inventeur, il y avait de quoi se demander comment il avait pu se procurer un matériel d’aussi bonne qualité.
Une jeune enfant métisse, aux cheveux roux et à la coupe en carré, était assise sur le canapé et lisait un magazine. Elle leva toutefois le regard pour le diriger vers les deux invités au bout de quelques secondes de silence, puis se leva et vint avertir l’adulte qu’ils étaient là, car apparemment il était trop concentré dans son travail pour remarquer leur présence.
Le professeur se retourna alors, et salua chaleureusement l’adolescente. Puis il se pencha vers lui et lui adressa un sourire. Mais quand il reprit son sérieux et lui demanda s’il se souvenait de quelque chose, il hocha négativement la tête, ce qui eut pour effet de le décevoir profondément.
Il se releva alors, et parla longuement avec la jeune femme. Elle lui demandait s’il avait contacté ses parents pour leur parler de son amnésie, et s’ils comptaient faire quelque chose de particulier. Il apprit alors en même temps qu’elle que sa mère était déjà dans un avion en provenance des États-Unis, et qu’elle venait le chercher pour le ramener avec elle pour quelque temps.
Une fois ceci fait, elle constata qu’il commençait à être tard, et qu’elle avait quelque chose à faire chez elle qui l’obligeait à rentrer. Toutefois, elle ne lui demanda pas de rentrer avec elle, lui proposant au contraire de rester s’il le désirait, parce qu’il pourrait peut-être se souvenir de quelque chose s’il restait là une ou deux heures supplémentaires à poser des questions à son oncle.
Pourtant, dès qu’elle fut partie, le silence retomba. Le professeur affirmait qu’il avait bientôt terminé sa nouvelle invention, qu’il avait juste besoin de quelques minutes de plus et qu’il allait devoir attendre un peu en attendant.
Il lui proposa de discuter un peu avec Ai-kun, qui devait donc logiquement être la jeune métisse, mais la manière avec laquelle elle poussa un grognement en réponse sembla montrer qu’elle n’était pas particulièrement intéressée par la discussion qu’elle mènerait avec un enfant amnésique.
Il se contenta donc sur le moment de s’adosser à un bureau contre un mur, près de l’entrée, qui lui offrait une vue assez générale de la salle. De là il pourrait voir si quelque chose pourrait éventuellement lui rappeler quelques bribes de sa mémoire… mais il ne voyait décidément rien de particulier.
« Conan-kun, est-ce que tu pourrais me donner mon tournevis ? Il doit être dans le tiroir du bureau juste à côté de toi. »
Il fit un hochement de tête tout en marmonnant un acquiescement, ouvrant aussitôt le tiroir dont il était question afin de le fouiller ; en effet, il trouva rapidement l’outil recherché, comme l’adulte le lui avait dit.
Il s’apprêtait à refermer le tiroir. Toutefois, son regard se porta rapidement sur une étrange petite boîte de plastique blanc qui se situait au côté droit. Il y avait marqué quelque chose qui laissait suggérer qu’il s’agissait de médicaments contre le rhume, et pourtant une étiquette était collée par-dessus. Et ce n’était pas l’œuvre d’un pharmacien : c’était quelqu’un résidant sur les lieux, propriétaire du bocal, qui l’avait étiqueté différemment.
“Prototype d’antidote à l’APTX 4869
“La prochaine fois Hakase, ne les confondez pas avec les médicaments contre le rhume. Si vous les cherchez, ils sont dans l’armoire à pharmacie de la salle de bains.”
Étrange. Qui pouvait bien avoir écrit cela ? Ce ne pouvait logiquement pas être le professeur lui-même, mais le ton utilisé était bien trop adulte pour être celui d’un enfant comme la jeune métisse qui vivait avec lui. Alors qui avait bien pu écrire ça ?
« N’y touche pas, espèce d’inconscient ! »
Il sursauta vivement, avant de se retourner vers l’origine de cette voix.
La jeune métisse.
Elle s’approcha de lui, profondément en colère et semblant même presque effarée, et lui prit violemment des mains la petite boîte.
Il entendit de nombreuses pilules sursauter, suivant le mouvement brusque de leur bocal.
« Ne touche pas à ça. Jamais. »
Elle avait bien appuyé sur chacune des syllabes qui constituaient le début de sa phrase, pour bien montrer que c’était très important.
Ne touche pas. Jamais. Ce n’était pas discutable.
Mais cela ne disait pas pourquoi il ne fallait pas toucher.
« Ne, tenta-t-il en hésitant légèrement. C’est quoi, de l’APTX 4869 ? »
Elle se stoppa net alors qu’elle s’éloignait de lui.
Elle se retourna.
Elle lui lança un regard foudroyant.
« Quelque chose qui n’aurait jamais dû exister. Tu n’as pas besoin d’en savoir plus pour le moment, alors oublie ce que tu viens de voir. »
Puis elle partit, le laissant seul. De son côté, l’adulte ôta enfin son masque de protection, la regardant sortir de la salle. Puis il se tourna vers lui pendant un instant avec un air désolé, poussa un soupir résigné, puis se retourna de nouveau vers son atelier de travail.
C’était désormais plus que certain.
On lui cachait quelque chose.
Rien. Encore et toujours rien.
Depuis qu’il était rentré à l’agence, il avait monopolisé l’ordinateur et avait passé des heures entières à chercher la moindre information sur cette mystérieuse formule “APTX 4869”. Sans succès. Même en ne cherchant que la signification du sigle “APTX” en négligeant le nombre qui suivait, il ne trouvait absolument rien.
Donc le terme n’existait pas officiellement. Ou était en tout cas très peu utilisé.
Donc, si son oncle et la jeune fille savaient ce que c’était, alors il n’y avait qu’une seule explication possible : le professeur en était l’inventeur lui-même. Après tout, il créait de nombreuses choses, n’est-ce pas ?
Toutefois, quelque chose lui revint en tête.
En effet, l’étiquette ne mentionnait pas “APTX 4869”, mais “antidote de l’APTX 4869”. Ce qui semblait signifier qu’ils n’avaient pas ce fameux “APTX 4869” eux-mêmes, car sinon le bocal qui en contiendrait se serait probablement situé juste à côté.
Mais cela ne lui apprenait toujours rien là-dessus.
Il se souvint qu’elle lui avait dit que l’APTX 4869 était quelque chose “qui n’aurait jamais dû exister”.
Et il en avait trouvé l’antidote. Son oncle et cette fille avaient l’antidote.
Un produit qui n’aurait jamais dû exister, mais pour lequel il existe un antidote… ils seraient en train de lutter contre un poison inconnu du monde entier ? Mais pourquoi ne pas mener ces recherches en laboratoire ? Pourquoi n’en parler à personne ? Pourquoi garder cet antidote dans un simple petit tiroir anodin, dans une maison tout à fait anodine ?
Assurément, quelque chose ne tournait pas rond dans cette histoire.
« Eh, gamin, ta mère est arrivée. J’vais pas l’accueillir tout seul, quand même, puis de toute façon elle veut te voir. »
Il lança un acquiescement légèrement hésitant, mais en même temps presque joyeux.
Il n’avait plus aucun souvenir de ses parents, mais il allait enfin voir sa mère. Une curiosité avide pouvait se lire dans son regard lorsqu’il s’était levé pour se précipiter vers l’entrée.
Ran-neechan le suivit également ; tous deux arrivèrent en quelques secondes là où se trouvaient Oji-san et une femme.
Toutefois, il se stoppa dès qu’il l’aperçut.
Robe noire et légèrement moulante.
Lunettes noires.
Coiffure courte, bouclée, cheveux noirs.
Rouge à lèvres écarlate.
Il la dévisagea de loin, apparaissant comme foudroyé sur place.
Il tremblait. Il avait mal à la tête.
Cris. Il avait peur de cette femme.
Qu’étaient donc ces images qui lui venaient à l’esprit ? Des souvenirs ?
Voiture bleue. Ran-neechan et Oji-san lui faisaient un signe d’au-revoir de l’autre côté de la vitre, mais lui ne voulait pas partir. Il avait peur de partir.
Il sentait son pouls battre de plus en plus fortement. Son cœur s’affolait.
Revolver. Il voulait fuir. Juste fuir.
Il vit une image de cette femme en train de braquer une arme à feu contre son front.
Elle l’avait menacé de le tuer. Sa mère avait essayé de le tuer.
Rictus diabolique.
Rouge à lèvres écarlate.
Cette femme avait essayé de le tuer. Elle marmonnait quelque chose entre ses dents avec un sourire machiavélique tout en le menaçant de son arme.
Ce qu’elle lui avait dit lui faisait peur. Mais il ne se souvenait pas de ce qu’elle lui avait dit.
Mais elle avait essayé de le tuer.
Et cette femme était juste à quelques mètres, le regardant d’un air en apparence bienveillant. Mais il ne se laisserait pas avoir.
« Conan-kun, est-ce que ça va ? »
C’était Ran-neechan. Elle avait à nouveau l’air inquiète. Mais il y avait de quoi.
Il devait faire quelque chose. Mais il sentait qu’il ne devait pas lui dire que cette femme était si dangereuse. S’il disait cela ouvertement, elle pourrait s’en prendre à elle aussi, et à Oji-san.
Mais il devait faire quelque chose.
« Je… je veux rester avec Ran-neechan ! »
Comme pour appuyer ses propres dires, il se jeta contre les jambes de l’adolescente et les serra du mieux qu’il put, sans pour autant masquer cette mine effarée qui trônait sur son visage.
Ce geste pour le moins inattendu fit sursauter les deux aînées, sans qu’aucune d’elles ne sût comment réagir durant quelques secondes.
La femme pouvait bien essayer de le convaincre de partir avec elle, il refuserait. Il refuserait jusqu’à ce que ses insistances soient trop prononcées pour ne pas être dignes de soupçons. Il refuserait jusqu’à ce que Ran-neechan comprît que quelque chose n’était pas clair, et…
Non. Cela la mettrait en danger. Il ne le fallait pas.
Mais il ne voulait pas suivre cette femme.
Il ne voulait pas mourir.
Il avait peur de mourir.
Elle s’approchait de lui tout doucement. Elle se penchait vers lui avec un regard intrigué.
« Enfin, Co-chan, tu ne te souviens vraiment pas de ta maman ? »
Ran-neechan ne pouvait pas le voir, alors il lui lança un regard noir et tranchant montrant qu’il ne se laisserait pas attraper.
Tout d’abord prise au dépourvu à la vue de ces deux yeux sombres et aussi haineux, elle parut réfléchir, puis comprendre.
Comme si elle n’avait pas compris auparavant. Mais ce n’était pas logique, puisqu’elle était venue pour le tuer.
À moins que…
Non. Ce n’était qu’un stratagème de plus pour le duper. Cette femme était vraiment machiavélique.
Il eut alors une idée. C’était risqué, mais c’était au moins une manière de convaincre Ran-neechan qu’il devait rester.
« Pourquoi vous m’avez abandonné ici, Papa et vous ? »
Silence.
« Enfin, Co-chan, qu’est-ce que tu racontes…? » bégaya-t-elle avec une voix très douce et très calme.
La femme semblait ne pas du tout comprendre la situation. C’était à peine si une tonalité interrogative était audible dans sa question. Comme si la perplexité était telle qu’elle en avait oublié qu’elle posait une question.
« Vous ne pouviez pas vous occuper de moi ? Vous préfériez me laisser à la charge de gens qui sont à l’autre bout du monde ? Pourquoi vous ne venez me chercher que maintenant ? C’est seulement parce que je suis amnésique que vous pensez que je ne peux pas me débrouiller seul comme avant ? »
Silence. La femme s’était relevée.
Ran-neechan était éberluée. Auparavant, il ne s’était jamais inquiété, n’avait même jamais parlé de ses parents, ni de la relation qu’il entretenait avec eux. Et voilà que désormais, il remettait tout en question.
« Ran-neechan s’inquiète toujours pour moi, et elle s’occupe de moi tout le temps ! Même elle ne sait quasiment rien de vous, ni même comment vous contacter ! Vous ne nous appelez donc jamais pour avoir de nos nouvelles ? »
La femme parut hésiter, le regard sombre. Puis elle acquiesça maladroitement, semblant troublée.
« Bien, Co-chan. Si tu préfères rester ici, alors je ne t’en empêcherai pas… Si cela ne vous dérange pas, bien sûr. », ajouta-t-elle en relevant la tête vers l’adolescente.
Ran-neechan affirma qu’il pouvait rester sans que cela ne créât le moindre souci, mais elle avait l’air désorientée. Lorsque la femme repartit et qu’elle se tourna vers lui pour lui demander ce qui l’avait pris, il baissa le regard embarrassé.
« Pourquoi as-tu fait ça, Conan-kun ? Tu n’avais jamais fait ça, avant…
- Je… suis désolé, Ran-neechan. Je ne peux pas te le dire. »
Il hésita rapidement, puis ajouta :
« C’est trop dangereux. »
- J’avais raison, il s’en est souvenu. Ce n’était vraiment pas le bon costume. On n’a plus aucune chance de le mettre en sécurité aux États-Unis avec nous, maintenant. »
Elle poussa un profond soupir.
« Vraiment, alors ! Même amnésique, notre Shin-chan est toujours aussi entêté… »
Au pire, si je n'y arrive vraiment pas, j'enlèverai ça. <_<'
Bonjour ou bonsoir à toi, potentiel lecteur qui, par curiosité, par la simple constatation qu'un nouveau topic est né, ou pour n'importe quelle autre raison, es venu t'attarder ici.
Voici une petite fiction que j'avais en réalité commencée peu après la fin de la rédaction de Ctrl + Z, et qui est donc officiellement ma seconde fiction 100% DC. Bien qu'elle ne vole pas particulièrement haut et ne va certainement pas chercher à être bien complexe, riche en action ou en suspense et toussa toussa, il pourrait s'agir d'une lecture distrayante et qui, malgré tout, peut procurer certains frissons durant sa lecture. Mais bref, je ne m'attarderai pas plus sur un trop long pavé, car il risquerait presque de dépasser cette fiction en terme de longueur, si je m'y mettais vraiment. x) *sort*
Bref ; l'idéal, pour lire cette fiction, est d'avoir lu les files 825-827 (disponibles sur le Kappé juste après le Mystery Train, pour ceux qui ne l'ont pas encore lu [/pub]), puisque cette fiction est un AU (alias Alternative Universe, pour ceux qui ne connaissent pas) qui prend ses racines au début de ces files. Mais après, à peu près n'importe quel fan de DC, peu importe son niveau de lecture/visionnage, peut lire sans être complètement perdu. Même s'il y a des références, elles ne sont généralement pas trop lointaines (enfin si, elles sont placées loin dans le passé de DC, haha. *fuit*).
Nous y sommes donc : dernière fiction 100% DC que je puisse vous présenter pour le moment, je suis en train de finaliser son script. Bien que Probabilities soit prioritaire, Full Ace l'est juste derrière ; et comme ces deux fictions ne dépasseront pas (ou alors, de très peu) les cinq chapitres, vous n'aurez pas beaucoup à attendre. ;3
Suite au fameux coup de raquette qui parvient à assommer Conan, peut-on supposer que cela puisse le rendre amnésique ?
Chapitre I ~ Full Ace
Full Ace ~ Terme de tennis désignant un service (ou une balle en général) impossible à rattraper, ou qui entraîne l’adversaire à commettre une faute dans le cas où il parvient malgré tout à la toucher.
Il n’arrivait pas à y croire. Pourtant, ses yeux ne le trompaient pas : c’était bel et bien Amuro Tōru, celui qu’ils avaient mis à jour comme étant un des membres de l’Organisation, qu’il avait face à lui, en train de s’échauffer à envoyer des balles comme si de rien n’était. Comme s’il était normal qu’ils vinssent s’entraîner au tennis avec un de leurs plus grands ennemis. Ces inconscients d’adultes lui parlaient comme à un ami, ne prenant aucunement garde à sa mine désemparée. Si seulement ils savaient ! Mais il ne pouvait, et ne devait rien dire. C’eut été ouvrir la boîte de Pandore. C’eut été les mettre en danger pour de bon que de leur dire que l’un des serveurs du Poirot était en réalité membre d’une organisation secrète qui n’hésitait pas à tuer si besoin était.Full Ace ~ Terme de tennis désignant un service (ou une balle en général) impossible à rattraper, ou qui entraîne l’adversaire à commettre une faute dans le cas où il parvient malgré tout à la toucher.
Ran se pencha finalement vers lui et lui conseilla de faire attention, affirmant que les balles étaient dangereuses. Mais il était clair que le danger qu’elles représentaient était moindre face à celui que représentait ce “coach spécial”. Parmi toutes les personnes à qui le détective aurait pu faire appel, pourquoi lui ?!
« Attention ! »
Soudainement sorti de ses pensées, l’enfant releva la tête en sursautant ; il jugea toutefois utile de se méfier de cet avertissement. C’était Bourbon qui l’avait mis en garde, après tout. On ne pouvait savoir ce qu’il avait derrière la tête.
Et pourtant, il eut tort. Même s’il tenta malgré tout de lui accorder une once de confiance après une rapide hésitation et voulut se tourner vers ce qu’il semblait fixer avec peur, il n’en eut pas le temps.
Un objet non identifié le frappa violemment au côté droit de sa tête, l’entraînant aussitôt au sol ; assommé sur le coup, le jeune garçon se tint durement le crâne, tentant de rester conscient tant bien que mal.
Il vit Ran accourir vers lui, terrorisée. Mais Bourbon la suivait de près. Il était juste à côté d’elle et il lui disait quelque chose, mais il n’entendait plus rien.
En tout cas, il n’était sûr que d’une seule chose. Quelque chose qui résonnait dans sa tête comme un son de cloche à proximité le lui hurlait encore et encore. Cela se répétait dans sa tête en boucle, tandis qu’il voulait mettre en garde son amie et essayait de rester éveillé.
Ran, ne t’approche pas de lui !
Il est dangereux, qui sait ce qu’il a derrière la tête !
C’est un d’entre eux !
Un Homme en Noir !
Un membre de l’Organisation !
Hé, Ran, tu m’écoutes ?!
Il ne faut pas…
~ フルエース ~
[Furuēsu] — Full Ace
« I-Il se réveille ! »[Furuēsu] — Full Ace
Il sentit ses paupières trembler, puis s’ouvrir doucement.
Il les referma aussitôt avec violence.
La lumière était trop forte. Il avait mal aux yeux.
« Conan-kun, est-ce que ça va ? »
Il avait mal entendu. Cette voix lui semblait lointaine, brumeuse, comme si elle était tout droit sortie d’un songe.
C’était une question. Personne ne répondit dans les secondes qui suivirent, donc il devait probablement en conclure qu’il était celui à qui on l’avait posée.
“Conan-kun”… C’était un drôle de nom. Mais c’était à lui qu’on s’adressait. Par déduction c’était ainsi qu’il devait bien s’appeler. Et pourtant, cela lui semblait être un nom étrange, qui ne lui allait pas. Il le savait bien, son nom n’était pas “Conan-kun”. C’était…
Il sursauta et se releva d’un bond, yeux écarquillés. Il se les frotta pour les habituer à la lumière de son environnement, mais cela ne lui ôta pas son expression terrorisée.
Il ne se souvenait plus de son nom.
« Conan-kun ?! »
Il leva le regard et dévisagea ce qui devait être l’origine de cette voix : une jeune femme, bien que beaucoup plus grande que lui. Ses cheveux châtain foncé ruisselaient sur ses épaules. Mais ce qui le marqua le plus furent ces deux grands yeux bleus qui le fixaient. Il ne lui fallut pas longtemps pour comprendre qu’elle était surprise, et inquiète en même temps. Mais pourquoi ?
Totalement perdu dans la brume épaisse du fil de ses pensées, il ne trouva rien de mieux à dire que de répéter ses derniers mots dans un murmure dénué de toute émotion : “Conan-kun”. Mais cela ne suffit pas à la rassurer. Elle n’eut pas de réaction pendant quelques secondes, puis elle répéta, plus doucement :
« Conan-kun. Est-ce que ça va ? »
Il posa subitement sa main contre sa tête. Elle lui faisait atrocement souffrir, en un point bien précis. Par déduction il avait dû recevoir malencontreusement quelque chose qui l’avait frappé là. C’était sûrement pour cela qu’elle s’inquiétait, et qu’il avait aussi mal.
Mais qu’est-ce que c’était ? Que s’était-il donc passé ? Il ne savait plus.
Il avait mal. Il ne trouva rien de mieux à répliquer qu’un petit grognement pour témoigner de cette douleur, qui alarma aussitôt la jeune femme.
« Otō-san a appelé un docteur. Il sera là d’ici quelques minutes. »
Elle se retourna aussitôt vers un homme qui devait être un peu plus vieux qu’elle, sans avoir plus de trente ans. Il venait d’arriver, et en le voyant elle s’était précipitée vers lui, lui expliquant rapidement qu’il s’était enfin réveillé et est-ce qu’elle pouvait faire quelque chose pour l’aider s’il-vous-plaît il fallait qu’elle sût si elle pouvait l’aider. Le manque de structure de sa phrase ainsi que le ton qu’elle avait employé témoignait encore de sa profonde inquiétude. Si déjà elle paniquait alors qu’elle savait qu’il était réveillé, il n’osait imaginer l’état dans lequel elle devait être tandis qu’il était inconscient. Parce qu’il lui semblait logique que les évènements avaient pris une tournure similaire au scénario qu’il avait en tête : recevoir quelque chose qui l’a frappé à l’arrière de la tête, probablement par accident ; être assommé par le choc ; tomber inconscient en conséquence.
Et tout oublier.
Cette dernière étape le fit frissonner, si bien que l’homme au teint bronzé l’avait vu et crut qu’il avait de la fièvre, puisqu’il avait aussitôt plaqué sa main contre son front.
Il ne voulait pas avoir oublié.
Il avait peur d’avoir oublié.
Il n’était pas amnésique, quand même… n’est-ce pas ?
Il allait forcément se souvenir de quelque chose. N’importe quoi. Il devait se souvenir de quelque chose. Forcément. Il ne pouvait pas avoir tout oublié…
Et pourtant, il dut bien se résoudre à cette redoutable et terrifiante idée.
Ces personnes lui semblaient totalement inconnues. Il ne reconnaissait pas cet endroit. Il n’avait plus aucun repère concernant l’heure, la date, ou sa situation géographique précise.
Et il ne se souvenait pas de son nom.
Cette personne était assurément très attachée à lui. Elle avait l’air de bien le connaître. Et pourtant il ne pouvait se souvenir d’un seul moment qu’ils auraient passé ensemble. Il ne se souvenait même pas de son nom.
« Ne…
- Oui. Tu veux me dire quelque chose ? »
Il hésita. Il ignorait pourquoi, il sentait qu’il ne devait pas le dire. Et pourtant, cette phrase sortit finalement dans un murmure embarrassé :
« Qui… êtes-vous ? »
~ 健忘症 ~
[Kenbōshō] — Amnésie
« Traumatisme crânien. Ce devait vraiment être un grand coup qu’il s’est pris, si ça l’a rendu amnésique. Vraiment, il n’a pas eu de chance. »[Kenbōshō] — Amnésie
La jeune femme qui continuait de s’inquiéter pour lui demanda si cela allait s’arranger. Le vieux monsieur ne dit rien et se contenta de se tourner vers le petit gamin.
« Dis-moi, mon bonhomme. De quoi te souviens-tu ? »
Quelle question étrange. Et pourtant, s’ils affirmaient qu’il était amnésique et que lui-même en était arrivé à la même conclusion plus tôt, cela expliquait beaucoup de choses. Pourquoi il ne se souvenait pas de son nom. Pourquoi il ne connaissait personne. Pourquoi il ne savait pas où il était, et ne se souvenait pas de ce qui lui était arrivé pour qu’il eût aussi mal. C’était un docteur, alors il savait ce qu’il faisait. Alors il devait se prêter au jeu, et lui répondre. Donc il réfléchit longuement à la question, afin de pouvoir lui donner une réponse la plus précise possible :
« Rien. »
Cela avait le mérite d’être clair.
« Un plus un, qu’est-ce que ça fait ?
- Deux. »
Il avait répondu sans hésiter. C’était une question beaucoup trop facile. Tout le monde connaissait tout de même les bases des mathématiques à ce niveau-là. En tout cas, toute personne ayant séjourné plus ou moins longtemps dans un établissement scolaire.
Et pourtant, l’adulte parut content comme s’il avait réussi un exercice difficile.
« Bon. Alors tu vois que tu te souviens déjà de ça, ce n’est pas si mal. »
Il avait raison. De ce point de vue, ce n’était pas si mal.
Même s’il avait l’impression que cela ne suffisait pas à la jeune femme, qui le regardait toujours avec ses mêmes yeux terrorisés. Et même si c’était loin de le satisfaire, lui.
L’homme sortit un stylo de sa poche et le lui montra.
« Peux-tu en faire sortir la mine ? »
Sans répondre, il s’empara du petit outil scripteur et appuya aussitôt sur son embout, ce qui fit en effet sortir la mine dans un petit tintement aigu.
« Vous voulez que j’écrive quelque chose ? demanda-t-il en relevant une tête intriguée.
- Si tu veux. Tu sais ce que tu veux écrire ?
- Non. Je me disais juste que si vous me demandiez de faire sortir la mine d’un stylo, c’était peut-être pour m’en servir après. »
L’homme parut satisfait. Il avait esquissé un sourire, alors cela voulait dire que la réponse qu’il lui avait donnée le satisfaisait.
« Vous transpirez, Monsieur… » fit-il remarquer soudainement d’un air innocemment curieux, presque sans s’en rendre compte. Comme s’il avait voulu garder ce détail pour lui, mais qu’il avait parlé tout haut malgré tout.
Silence. Intrigué, le docteur ne répondit pas et se contenta de lui demander silencieusement de continuer dans sa lancée, l’encourageant du regard.
« Vous êtes venu vite, alors vous avez couru, ne ? Et puis il fait chaud et il y a beaucoup de lumière… Ça veut dire qu’on est en été ? »
Silence. Sans répondre, il se releva et vint se tourner vers la jeune femme.
« … Il va s’en sortir. Sa mémoire reviendra petit à petit, mais il n’a apparemment perdu aucune de ses capacités. »
Il commença à ranger ses affaires, bien que semblant légèrement perturbé. Il attira la jeune femme un peu plus loin alors qu’il allait partir. L’enfant se redressa et se pencha vers le couloir, tendant l’oreille.
« Dites. Il était déjà comme ça, avant ?
- Un peu. Ça lui arrivait de faire de grandes déductions, de temps en temps. Ce n’était pas grand-chose, par rapport à certaines autres qu’il a sorties…
- Il me paraît très lucide, pour un gamin… amnésique, en plus, ce n’est pas courant… Enfin ; voyons le bon côté des choses, ça veut dire qu’il a de grandes chances de s’en sortir sans trop de soucis, et ce coup qu’il a reçu n’a pas altéré ses capacités de réflexion. Ne vous en faites pas pour ça ; si vous l’aidez doucement à se souvenir sans le brusquer, cela devrait être terminé d’ici quelques jours à quelques semaines. »
~ 時 ~
[Toki] — Durée, délai
« Conan-kun, amnésique ?![Toki] — Durée, délai
- Oui. On dirait qu’il ne se souvient d’absolument rien à propos de lui ou de nous. Il m’a dit qu’il avait même oublié son nom… »
Hiroshi Agasa tomba des nues. À ses côtés, Haibara écoutait la conversation de loin, bras croisés, le regard louchant à moitié sur le cinquantenaire.
Assurément, c’était problématique.
L’enfant fit signe au professeur de se pencher, afin qu’elle pût lui murmurer une phrase à l’oreille. L’homme acquiesça silencieusement, laissant penser dans son regard qu’il avait la même intention en tête.
« Ran-kun, il vaut mieux qu’il rentre le plus tôt possible. Il pourra sûrement se souvenir de plus de choses s’il rentre à Tōkyō.
- Je suppose que vous avez raison… Sonoko va être déçue de nous voir partir si rapidement, mais nous n’avons pas vraiment le choix. »
La conversation téléphonique continua encore quelques minutes ; Ran raconta que le jeune détective, encore légèrement sonné par sa blessure, avait été couché pour qu’il pût se remettre ; que si rien d’imprévu n’arrivait, ils seraient prêts à partir d’ici peu de temps et seraient de retour une à deux heures plus tard. Puis tous deux se saluèrent avant de raccrocher.
« Ai-kun…
- Je sais. On ne peut pas lui dire qui il est vraiment, en tout cas pas tout de suite. Il ne saurait pas garder le secret dans cet état.
- Tu veux dire que…
- Oui. On va tous faire comme si c’était vraiment un gamin de sept ans tout ce qu’il y a de plus normal, le temps qu’il commence à se souvenir de quelque chose. Là, on pourra lui rappeler l’importance de garder le secret, et l’aider à se souvenir de tout ça. Ce qui signifie d’ailleurs que nous allons devoir prévenir ce détective d’Ōsaka, et éventuellement ses parents. Si jamais ils passent le voir sans être au courant, on risquerait d’avoir des ennuis. »
L’homme ne trouva rien à redire face à un plan si parfaitement ficelé et si simple ; et pourtant il semblait hésitant. Finalement, la scientifique jugea bon de le convaincre pleinement en lui posant une simple question :
« Vous avez une meilleure idée, peut-être ? »
Il baissa le regard, mais dut avouer qu’ils n’avaient pas réellement le choix, en fin de compte. Même s’il se sentait coupable de devoir mentir à la personne la plus concernée par un tel secret.
Mais Ai-kun avait raison.
Shinichi devait être en état de choc. Tant qu’il serait amnésique, il fallait à tout prix éviter de mentionner cette histoire. Sinon il l’ébruiterait certainement, sans se rendre compte de son importance. Au moins à son entourage proche, c’est-à-dire Ran ou son père. Et il ne le fallait pas.
~ 秘伝 ~
[Hiden] — Secret
Le grand bruit qui retentit à seulement quelques mètres de lui finit par le réveiller. Conan – car tel était son nom, il fallait bien qu’il se souvînt au moins de cela – bâilla avant de se relever doucement, mettant aussitôt ses lunettes comme par réflexe et se retournant avec curiosité vers l’origine de ce bruit. Ce qu’il vit alors le stupéfia au point qu’il en perdit la parole, et son sang-froid pendant au moins une demi-minute.[Hiden] — Secret
Un corps inanimé. Juste à côté de lui. Et qui bloquait la porte.
Une jarre ensanglantée auprès de sa tête.
Il hésitait, et pourtant quelque chose lui hurlait qu’il pouvait faire quelque chose. Qu’il devait faire quelque chose.
Répondant à cet instinct, son premier réflexe fut de s’approcher à la fois rapidement et maladroitement du cadavre, posant sa main près de l’une de ses cervicales.
Inutile. Son pouls était arrêté.
C’était donc bien un cadavre. Il avait dû recevoir la jarre sur la tête par accident…
Mais alors, si le bruit venait de se produire, pourquoi le sang était-il déjà sec ?! Quelque chose clochait à coup sûr. Il y avait anguille sous roche.
L’enfant épongea son front. Il faisait vraiment chaud. Pourtant la climatisation était allumée auparavant. Étrange.
Un bruit retentit dans la serrure. Quelqu’un essayait de la trafiquer pour entrer. Il entendit des voix étouffées de l’autre côté de la porte, qui résonnèrent avec un timbre normal une fois la planche de bois débloquée et sur le point de bouger.
Il eut encore un réflexe, qu’il ne remarqua qu’après coup.
« N-N’ouvrez pas cette porte ! »
Son sang-froid et le ton incroyablement sérieux qu’il avait inculqué dans cet ordre l’étonna lui-même, si bien qu’il eut aussitôt un mouvement de recul embarrassé.
C’était le jeune homme légèrement bronzé qui était juste de l’autre côté, face à lui, et qui le dévisageait avec un regard interrogateur.
Finalement, il jugea utile de préciser :
« V-Vous ne pouvez pas l’ouvrir… C’est le corps qui bloque la porte… »
Un élan de surprise parcourut le couloir. L’homme demanda des précisions, qu’il donna aussi honnêtement et précisément que possible. Quelqu’un partit aussitôt prévenir la police, mais il ne savait qui.
Il continua à chercher des indices, faisant encore des remarques sur les détails de la scène et répondant aux questions que les adultes lui posaient ; la jeune femme qui s’inquiétait pour lui demanda toutefois au bout d’un moment à ce qu’on le fît sortir dans les plus brefs délais. Son père aussi affirma que, enquête ou pas, ils avaient un autre problème sur le moment et se devaient de s’en occuper aussitôt, quitte à laisser tout le monde avec la police qui arriverait quelques minutes plus tard.
Il voulut refuser. Quelque chose le poussait à vouloir rester dans cette salle, à continuer d’enquêter. Mais ils ne l’écoutèrent pas et lui conseillèrent tendrement de rejoindre la voiture pour rentrer. Sa mémoire était plus importante que cela, et ce fut l’argument qui le convainquit finalement à se résigner à laisser les professionnels seuls face à la situation.
Et pourtant, justement, il avait senti quelque chose d’étrange, sur la scène de crime. Comme s’il était, subitement, sur un terrain connu. Comme si ce n’était pas la première fois qu’il avait affaire à ce genre de choses.
Comme s’il était sur le point de se rappeler quelque chose. Mais il n’en était pas certain.
Mais en fait, désormais qu’il y pensait, il se demandait bien comment il avait pu faire tout cela avec tant de facilité.
Comment il avait pu retrouver son sang-froid aussi vite face à un cadavre.
Comment il avait pu trouver le courage de s’en approcher pour mesurer son pouls.
Comment il avait appris par ailleurs à mesurer le pouls de quelqu’un.
Comment il avait été capable d’analyser cette scène de crime aussi facilement.
Apparemment, le père de celle qui était si proche de lui était détective. Et il vivait avec lui. Lui aurait-il appris tout cela ? Cela lui semblait malgré tout étrange. On n’apprenait pas ce genre de choses à des enfants de son âge. Il avait bien sept ans, n’est-ce pas ?
D’après le docteur qui l’avait ausculté, seule sa mémoire avait été altérée. Pas ses capacités de réflexion. Donc tout ce savoir qu’il avait appris avant cet accident lui était resté en tête, et il était capable de s’en servir sans souci. Mais il ne savait pas d’où il provenait.
Intéressant… Il faudrait vraiment interroger la jeune femme à ce sujet. Si elle le connaissait si bien que ça, elle devrait pouvoir répondre à toutes ces questions, n’est-ce pas ?
Chapitre II ~ Need not to know
Need not to know ~ Terme utilisé par les forces de l’ordre pour désigner un événement ou un élément dans une affaire qui doit absolument demeurer inconnu pour diverses raisons.
Ran-neechan.Need not to know ~ Terme utilisé par les forces de l’ordre pour désigner un événement ou un élément dans une affaire qui doit absolument demeurer inconnu pour diverses raisons.
Oji-san.
Edogawa Conan.
Ran-neechan.
Oji-san.
Edogawa Conan.
Ran-neechan. La jeune femme.
Oji-san. Le père de la jeune femme. De son vrai nom, Mōri Kogorō.
Edogawa Conan. Son nom.
Comme s’il craignait de les oublier encore, il se les répétait mentalement durant tout le trajet, le regard perdu dans le vide. Il ne remarquait pas que la lycéenne n’avait cessé de le fixer du coin de l’œil avec inquiétude. Mais il s’en doutait.
« Est-ce que ça va, Conan-kun ? » finit-elle par demander au bout d’un temps.
Plongé dans ses réflexions, l’enfant parut n’avoir pas entendu. Puis, au bout de quelques secondes, il releva la tête en sursaut et la tourna vers elle, lui lançant un regard interrogateur.
« Oh, euh, d-désolé, je n’écoutais pas…
- Ce n’est pas grave, Conan-kun. Je te demandais juste comment tu te sentais… »
Il ne répondit pas, abaissant encore le regard un instant.
« Bien. »
Silence.
« Tu dis ça pour que je n’aie pas à m’inquiéter, c’est ça ?
- N-Non, pas du tout ! … J-Je vais bien. Je t’assure. »
Mais son ton embarrassé et perdu ne trompa personne. L’adolescente baissa le regard.
« Qu’est-ce qui s’était passé, déjà ?
- Une raquette de tennis. La raquette d’une joueuse lui a échappé et t’a frappé. Nous étions chez elle, tout à l’heure. »
Silence.
« C’est bête. »
Elle acquiesça d’un hochement de tête mécanique.
« Elle se sentait vraiment coupable, quand elle a su que ça t’a rendu amnésique.
- Mais ce n’était pas sa faute. C’était un accident. »
Silence.
« Pas faux. »
Mais elle avait hésité un peu trop longtemps pour que sa réponse parût réellement sincère.
Silence. Au bout de quelques secondes, il sentit soudainement une vibration dans la poche de son short, qui le fit soubresauter plus violemment ; il hésita, mais finalement il y plongea sa main et en sortit un petit téléphone portable.
Son téléphone portable, il devait supposer. Donc quelqu’un essayait de l’appeler. Quelqu’un voulait parler à Edogawa Conan.
Oui. Mais qu’allait-il dire ? Le nom que l’écran affichait lui était totalement inconnu, comme il s’y attendait. Et il trouvait plutôt déplacé de répondre pour aussitôt dire qu’il était amnésique et ne se souvenait donc pas de qui il s’agissait. Surtout s’il ne savait même pas à qui il allait s’adresser.
Totalement perdu, le garçon jugea bon d’aussitôt lancer un regard implorant à la jeune femme. Que devait-il faire ?
« Tu devrais répondre. Ce ne serait pas poli… Si tu veux, je prendrai le téléphone pour expliquer après, mais ce serait étrange que je réponde tout de suite à ta place. »
Ce n’était pas une mauvaise idée. Il décrocha aussitôt, approchant le petit engin de son oreille.
« Mo… Moshi-Moshi…?
- Hey, salut Kudō ! T’y as mis le temps pour répondre, quand même ! Je me disais juste que ça faisait un moment qu’on ne s’était pas donné de nouvelles… Alors, combien d’enquêtes as-tu résolues récemment ? »
Kudō. Kudō. Kudō…
Ran-neechan.
Oji-san. De son vrai nom Mōri Kogorō.
Edogawa Conan.
Il n’y avait nulle part “Kudō” dans cette liste. Encore moins dans son propre nom.
« Je… Désolé, je crois que vous avez composé un mauvais numéro… B-Bonne journée. »
Il raccrocha aussitôt, se sentant rougir. Il continua de fixer le petit engin qu’il tenait face à lui sans y toucher, extrêmement embarrassé et, en même temps, dubitatif.
“Oï, Kudō, qu’est-ce que tu— ?!”
Il l’avait bien entendu. Son interlocuteur semblait persuadé d’avoir parlé à la bonne personne. Sinon, il aurait compris rien qu’en entendant sa voix qu’en effet, ce n’était pas le cas. Il s’était trompé de numéro dans son répertoire — puisque son nom, “Hattori Heiji”, était dans le répertoire de son téléphone, il devait en conclure qu’il s’agissait d’un fait réciproque et qu’il le connaissait donc —, et il avait téléphoné à quelqu’un dont il était censé connaître la voix. Et pourtant il n’avait pas l’air de l’avoir remarqué.
Bah. Il avait dû confondre parce qu’il avait une voix similaire à ce “Kudō”, au moins à travers un appareil électronique tel qu’un téléphone.
Même si cela lui semblait peu probable.
Celui qui avait parlé avait une voix de lycéen. Il avait un accent bizarre. Et il avait parlé de “résoudre des enquêtes”… Donc il avait voulu parler à un détective, sûrement. Donc à un adulte, forcément. Mais quel adulte aurait une voix aussi enfantine que la sienne ?
Assurément, c’était étrange.
« Qui était-ce ? demanda alors la jeune femme.
- C’était marqué “Hattori Heiji”. Mais il a dû se tromper de numéro. Il voulait parler à quelqu’un qui s’appelle “Kudō”. »
Il ne voyait pas l’intérêt de le cacher. Cela n’était pas un secret, surtout si elle était aussi proche de lui.
En plus, elle pourrait certainement lui dire qui étaient ces deux personnes, désormais.
Pourtant, quand il la regarda, son regard s’était assombri. Comme si au moins une de ces deux personnes lui rappelait quelque chose. Mais il ne voyait pas du tout de quoi cela retournait.
Après tout, comment pouvait-il ? Il était amnésique. Fallait vraiment qu’il se souvînt au moins de ça.
« J’ai dit quelque chose qu’il ne fallait pas, Ran… neechan ? »
Il avait du mal à l’appeler “grande-sœur”. Après tout, elle était désormais comme une inconnue, pour lui. Et pourtant, elle avait l’air de le connaître depuis tellement longtemps… et elle lui avait confirmé qu’avant, il l’avait toujours appelée comme ça. Ran-neechan. Jamais autrement.
D’un certain côté, il se sentait coupable de ne pas s’en souvenir.
Elle n’avait pas réagi. Donc elle n’avait pas entendu sa question.
À chacun son tour.
Il approcha sa main et voulut la poser sur son bras pour lui reposer la question plus doucement. Mais il hésita au dernier moment, et retira sa main aussitôt alors qu’elle était à quelques centimètres de la jeune femme.
Ce geste la tira de ses pensées, et elle le remarqua. Elle lui lança un regard indéchiffrable.
Conan-kun se faisait beaucoup plus distant et timide, depuis qu’il était devenu amnésique. Mais c’était compréhensible. Il ne savait plus comment aborder les gens de son entourage, puisqu’il avait l’impression de ne plus les connaître… ce malaise qu’il semblait ressentir en permanence devait vraiment être difficile à supporter.
« Ne… Ne t’en fais pas… Tu n’as pas à avoir peur comme ça, nous sommes avec toi… Hein, Conan-kun ? »
Silence. Il la regarda de loin, hésitant. Puis il baissa la tête et détourna le regard, se sentant légèrement rougir.
« D’accord. Ran-neechan. »
Il était difficile de savoir s’il se pliait simplement à sa volonté parce qu’il lui faisait confiance, ou s’il le pensait vraiment. En tous les cas, il était profondément troublant de voir ce petit gamin avec un air aussi perdu et timide, alors qu’il était d’ordinaire si lucide…
« Ne, Ran-neechan…
- Oui ?
- Tu n’es pas ma sœur, hein ?
- Non, non. Otō-san, toi et moi vivons ensemble à l’agence depuis un moment, parce que tes parents sont à l’étranger. »
Il lâcha une légère interjection montrant qu’il comprenait. Et qu’en même temps, il se demandait pourquoi il vivait aussi loin d’eux. Avaient-ils tant de travail qu’ils ne pouvaient s’occuper de lui et préféraient le laisser à la garde de quelqu’un d’autre ?
Il se demandait désormais le genre de sentiments qu’il avait pour eux auparavant. Se sentait-il abandonné ? perdu ? seul ? Avait-il de l’affection pour des parents qu’il ne voyait quasiment jamais, et avec qui il semblait correspondre si peu ?
Et d’ailleurs, que devaient ressentir ses propres parents pour lui, pour qu’ils fussent à l’étranger sans lui et l’abandonnassent à lui-même comme s’il était un adulte responsable et capable de se débrouiller seul ?
Soudainement, il ressentit le besoin de leur parler. Il voulait obtenir la réponse à toutes ces questions.
« Vous les avez prévenus que… je veux dire…
- Non… Nous n’avons jamais réussi à les contacter, en fait. J’ai demandé à Agasa Hakase de s’en occuper.
- Agasa Hakase ? répéta-t-il, curieux.
- Ton oncle. C’est un scientifique qui invente des gadgets un peu bizarres, mais il est très gentil. Tu viens souvent le voir après l’école. Vous vous entendez très bien.
- Ah. »
Silence.
« C’est noté. »
~ 身元 ~
[Mimoto] — Passé ; identité
« Voilà. C’est l’agence… Là où Otō-san travaille et trouve des enquêtes, et là où nous habitons, tous les trois… »[Mimoto] — Passé ; identité
Silence. Le père ne s’attarda pas dans l’entrée et vint aussitôt s’enfermer dans sa chambre – du moins, juste après un passage rapide par la cuisine pour aller chercher une cannette de bière –, probablement pour boire tranquillement.
Conan fit quelques pas hasardeux à l’intérieur de l’appartement, tournant et retournant la tête en tous sens comme pour en sonder les moindres détails. Il devait s’agir de ce qu’il faisait, d’ailleurs.
« Ça ne te rappelle rien, hein… » marmonna-t-elle au bout de quelques instants, un sourire nerveux sur les lèvres.
Conan hocha négativement la tête, prenant un air désolé.
« Ce n’est pas grave… Ça te reviendra plus tard, petit à petit… Le docteur avait dit que ça ne devrait pas durer plus de quelques semaines, alors ce n’est pas si mal, hein…? »
Mais il voyait bien qu’elle n’était pas convaincue. Que le fait qu’il fût amnésique et ne se souvînt de rien à propos d’elle ou de n’importe qui d’autre l’affectait beaucoup plus qu’elle ne le laissait transparaître.
« Je suis ici depuis combien de temps ?
- Eh bien… nous nous sommes rencontrés il y a quelques mois. », affirma Ran.
Donc ils ne se connaissaient que depuis quelques mois. Pourtant, elle lui semblait beaucoup plus proche de lui… Il lui avait semblé qu’elle le connaissait depuis une éternité. Mais cela devait être sa mémoire qui lui jouait un tour.
« Ce sont donc des souvenirs assez récents que j’ai partagés avec vous, répliqua-t-il comme pour confirmer ce qu’il avait en tête. Ne ?
- Oui… Je suppose.
- Généralement, ce sont surtout des souvenirs de longue date qui reviennent le plus facilement à l’esprit, ne ? Dans ce cas, il faudrait peut-être que je retourne là où j’ai vécu durant la plus grande partie de ma vie, puisque je risquerais de me souvenir de beaucoup plus de choses… »
Elle baissa le regard.
« Oui. Sûrement. Il faudra que je le dise à Hakase. Ça voudra dire que tu partiras probablement chez tes parents… »
Il acquiesça d’un mouvement de tête. D’un certain côté, cela ne le ravissait pas, lui non plus. Mais il ne parvenait pas à déceler exactement pourquoi.
Il devait ressentir qu’il tenait véritablement à quelque chose ou à quelqu’un qui se trouvait là, sous ses yeux, et qu’il s’en séparerait s’il venait à vivre chez ses parents. Mais il ne parvenait pas à mettre le doigt dessus.
« Je reviendrai. Quand j’aurai retrouvé ma mémoire. »
Il avait voulu la rassurer. Mais d’un autre côté, il le ressentit comme si ses propres paroles visaient en réalité à l’en persuader lui-même.
« Ne, Ran-neechan. Tu connais bien mes parents ? Tu saurais me parler de choses qui pourraient m’aider à me souvenir de quelque chose ? »
L’adolescente parut réfléchir un moment. Puis elle parla :
« Je ne sais pas… Quand Otō-san a des enquêtes, tu es souvent là, et tu l’aides souvent en lui donnant des indices… Tu dis souvent que c’est Kudō Shinichi qui t’en a parlé, donc je pense que tu le connais plutôt bien… »
Silence.
« Kudō… C’est le même Kudō que tout-à-l’heure ?
- Oui. Kudō Shinichi. C’est un lycéen qui est dans ma classe. Il adore les enquêtes, un vrai maniaque… D’ailleurs, en ce moment, il est dans une affaire sur laquelle il bloque depuis des mois, à un point tel qu’il ne vient même plus en cours… »
Il acquiesça lentement. Cela semblait tout de même bizarre qu’un adolescent pût manquer ainsi les cours aussi facilement, même s’il s’agissait d’une enquête à mener… Quel genre d’affaire cela pouvait-il bien être ? Lorsqu’il lui posa la question, elle lui avoua avec déception qu’elle n’en avait pas la moindre idée, qu’il refusait de lui en parler.
Elle s’approcha alors d’une étagère qu’elle fouilla, finissant par en sortir un album rassemblant de vieilles photographies. Elle l’invita à s’assoir à ses côtés sur le canapé, posant le grand livre sur ses genoux afin d’être en mesure de le manipuler facilement.
Dès les premières images, l’enfant sursauta et pointa une personne en particulier du doigt. Cet enfant, qui avait le même âge que lui, lui ressemblait parfaitement, à cela près qu’il ne portait pas de lunettes. Et pourtant, au vu de l’âge des personnes environnantes qu’il put reconnaître – c’est-à-dire, en fin de compte, uniquement la jeune fille et son père –, il avait logiquement le même âge que cette dernière.
« C’est Shinichi, répondit-elle tout simplement. Nous nous connaissons depuis que nous sommes tout petits. »
C’était quand même incroyable à quel point il lui ressemblait. Quand il lui fit la remarque, elle se contenta de rire nerveusement, lâchant un “N’est-ce pas ?” à l’aspect anodin. Et pourtant, il lui sembla qu’elle lui cachait quelque chose.
Mais il devait se tromper. Elle ne lui cachait rien, n’est-ce pas ? Pourquoi lui aurait-elle caché quoi que ce fût ?
~ 疑問 ~
[gimon] — Doute, soupçon, interrogation
« Hakase ? C’est nous ! »[gimon] — Doute, soupçon, interrogation
Ran-neechan referma la porte une fois qu’il l’eut suivie à l’intérieur ; puis elle ôta son manteau et ses chaussures, les rangeant dans l’entrée : il fit aussitôt de même.
Lorsqu’ils entrèrent dans la salle principale, ils remarquèrent un homme qui leur tournait le dos, affairé dans un coin de la salle à manipuler quelques pièces mécaniques avec de grandes précautions.
En effet, s’il n’était pas un inventeur, il y avait de quoi se demander comment il avait pu se procurer un matériel d’aussi bonne qualité.
Une jeune enfant métisse, aux cheveux roux et à la coupe en carré, était assise sur le canapé et lisait un magazine. Elle leva toutefois le regard pour le diriger vers les deux invités au bout de quelques secondes de silence, puis se leva et vint avertir l’adulte qu’ils étaient là, car apparemment il était trop concentré dans son travail pour remarquer leur présence.
Le professeur se retourna alors, et salua chaleureusement l’adolescente. Puis il se pencha vers lui et lui adressa un sourire. Mais quand il reprit son sérieux et lui demanda s’il se souvenait de quelque chose, il hocha négativement la tête, ce qui eut pour effet de le décevoir profondément.
Il se releva alors, et parla longuement avec la jeune femme. Elle lui demandait s’il avait contacté ses parents pour leur parler de son amnésie, et s’ils comptaient faire quelque chose de particulier. Il apprit alors en même temps qu’elle que sa mère était déjà dans un avion en provenance des États-Unis, et qu’elle venait le chercher pour le ramener avec elle pour quelque temps.
Une fois ceci fait, elle constata qu’il commençait à être tard, et qu’elle avait quelque chose à faire chez elle qui l’obligeait à rentrer. Toutefois, elle ne lui demanda pas de rentrer avec elle, lui proposant au contraire de rester s’il le désirait, parce qu’il pourrait peut-être se souvenir de quelque chose s’il restait là une ou deux heures supplémentaires à poser des questions à son oncle.
Pourtant, dès qu’elle fut partie, le silence retomba. Le professeur affirmait qu’il avait bientôt terminé sa nouvelle invention, qu’il avait juste besoin de quelques minutes de plus et qu’il allait devoir attendre un peu en attendant.
Il lui proposa de discuter un peu avec Ai-kun, qui devait donc logiquement être la jeune métisse, mais la manière avec laquelle elle poussa un grognement en réponse sembla montrer qu’elle n’était pas particulièrement intéressée par la discussion qu’elle mènerait avec un enfant amnésique.
Il se contenta donc sur le moment de s’adosser à un bureau contre un mur, près de l’entrée, qui lui offrait une vue assez générale de la salle. De là il pourrait voir si quelque chose pourrait éventuellement lui rappeler quelques bribes de sa mémoire… mais il ne voyait décidément rien de particulier.
« Conan-kun, est-ce que tu pourrais me donner mon tournevis ? Il doit être dans le tiroir du bureau juste à côté de toi. »
Il fit un hochement de tête tout en marmonnant un acquiescement, ouvrant aussitôt le tiroir dont il était question afin de le fouiller ; en effet, il trouva rapidement l’outil recherché, comme l’adulte le lui avait dit.
Il s’apprêtait à refermer le tiroir. Toutefois, son regard se porta rapidement sur une étrange petite boîte de plastique blanc qui se situait au côté droit. Il y avait marqué quelque chose qui laissait suggérer qu’il s’agissait de médicaments contre le rhume, et pourtant une étiquette était collée par-dessus. Et ce n’était pas l’œuvre d’un pharmacien : c’était quelqu’un résidant sur les lieux, propriétaire du bocal, qui l’avait étiqueté différemment.
“Prototype d’antidote à l’APTX 4869
“La prochaine fois Hakase, ne les confondez pas avec les médicaments contre le rhume. Si vous les cherchez, ils sont dans l’armoire à pharmacie de la salle de bains.”
Étrange. Qui pouvait bien avoir écrit cela ? Ce ne pouvait logiquement pas être le professeur lui-même, mais le ton utilisé était bien trop adulte pour être celui d’un enfant comme la jeune métisse qui vivait avec lui. Alors qui avait bien pu écrire ça ?
« N’y touche pas, espèce d’inconscient ! »
Il sursauta vivement, avant de se retourner vers l’origine de cette voix.
La jeune métisse.
Elle s’approcha de lui, profondément en colère et semblant même presque effarée, et lui prit violemment des mains la petite boîte.
Il entendit de nombreuses pilules sursauter, suivant le mouvement brusque de leur bocal.
« Ne touche pas à ça. Jamais. »
Elle avait bien appuyé sur chacune des syllabes qui constituaient le début de sa phrase, pour bien montrer que c’était très important.
Ne touche pas. Jamais. Ce n’était pas discutable.
Mais cela ne disait pas pourquoi il ne fallait pas toucher.
« Ne, tenta-t-il en hésitant légèrement. C’est quoi, de l’APTX 4869 ? »
Elle se stoppa net alors qu’elle s’éloignait de lui.
Elle se retourna.
Elle lui lança un regard foudroyant.
« Quelque chose qui n’aurait jamais dû exister. Tu n’as pas besoin d’en savoir plus pour le moment, alors oublie ce que tu viens de voir. »
Puis elle partit, le laissant seul. De son côté, l’adulte ôta enfin son masque de protection, la regardant sortir de la salle. Puis il se tourna vers lui pendant un instant avec un air désolé, poussa un soupir résigné, puis se retourna de nouveau vers son atelier de travail.
C’était désormais plus que certain.
On lui cachait quelque chose.
~ 疑念 ~
[ginen] — Doute, soupçon, méfiance
Rien.[ginen] — Doute, soupçon, méfiance
Rien. Encore et toujours rien.
Depuis qu’il était rentré à l’agence, il avait monopolisé l’ordinateur et avait passé des heures entières à chercher la moindre information sur cette mystérieuse formule “APTX 4869”. Sans succès. Même en ne cherchant que la signification du sigle “APTX” en négligeant le nombre qui suivait, il ne trouvait absolument rien.
Donc le terme n’existait pas officiellement. Ou était en tout cas très peu utilisé.
Donc, si son oncle et la jeune fille savaient ce que c’était, alors il n’y avait qu’une seule explication possible : le professeur en était l’inventeur lui-même. Après tout, il créait de nombreuses choses, n’est-ce pas ?
Toutefois, quelque chose lui revint en tête.
En effet, l’étiquette ne mentionnait pas “APTX 4869”, mais “antidote de l’APTX 4869”. Ce qui semblait signifier qu’ils n’avaient pas ce fameux “APTX 4869” eux-mêmes, car sinon le bocal qui en contiendrait se serait probablement situé juste à côté.
Mais cela ne lui apprenait toujours rien là-dessus.
Il se souvint qu’elle lui avait dit que l’APTX 4869 était quelque chose “qui n’aurait jamais dû exister”.
Et il en avait trouvé l’antidote. Son oncle et cette fille avaient l’antidote.
Un produit qui n’aurait jamais dû exister, mais pour lequel il existe un antidote… ils seraient en train de lutter contre un poison inconnu du monde entier ? Mais pourquoi ne pas mener ces recherches en laboratoire ? Pourquoi n’en parler à personne ? Pourquoi garder cet antidote dans un simple petit tiroir anodin, dans une maison tout à fait anodine ?
Assurément, quelque chose ne tournait pas rond dans cette histoire.
Chapitre III ~ Exit
Exit ~ Du latin exeo, is, ere signifiant sortir, se traduit par “il sort” ; en théâtre, indique qu’un ou plusieurs acteurs (dans ce cas, on indiquera “exeunt”, ils sortent) partent de la scène.
Exit ~ Du latin exeo, is, ere signifiant sortir, se traduit par “il sort” ; en théâtre, indique qu’un ou plusieurs acteurs (dans ce cas, on indiquera “exeunt”, ils sortent) partent de la scène.
« Eh, gamin, ta mère est arrivée. J’vais pas l’accueillir tout seul, quand même, puis de toute façon elle veut te voir. »
Il lança un acquiescement légèrement hésitant, mais en même temps presque joyeux.
Il n’avait plus aucun souvenir de ses parents, mais il allait enfin voir sa mère. Une curiosité avide pouvait se lire dans son regard lorsqu’il s’était levé pour se précipiter vers l’entrée.
Ran-neechan le suivit également ; tous deux arrivèrent en quelques secondes là où se trouvaient Oji-san et une femme.
Toutefois, il se stoppa dès qu’il l’aperçut.
Robe noire et légèrement moulante.
Lunettes noires.
Coiffure courte, bouclée, cheveux noirs.
Rouge à lèvres écarlate.
Il la dévisagea de loin, apparaissant comme foudroyé sur place.
Il tremblait. Il avait mal à la tête.
Cris. Il avait peur de cette femme.
Qu’étaient donc ces images qui lui venaient à l’esprit ? Des souvenirs ?
Voiture bleue. Ran-neechan et Oji-san lui faisaient un signe d’au-revoir de l’autre côté de la vitre, mais lui ne voulait pas partir. Il avait peur de partir.
Il sentait son pouls battre de plus en plus fortement. Son cœur s’affolait.
Revolver. Il voulait fuir. Juste fuir.
Il vit une image de cette femme en train de braquer une arme à feu contre son front.
Elle l’avait menacé de le tuer. Sa mère avait essayé de le tuer.
Rictus diabolique.
Rouge à lèvres écarlate.
Cette femme avait essayé de le tuer. Elle marmonnait quelque chose entre ses dents avec un sourire machiavélique tout en le menaçant de son arme.
Ce qu’elle lui avait dit lui faisait peur. Mais il ne se souvenait pas de ce qu’elle lui avait dit.
Mais elle avait essayé de le tuer.
Et cette femme était juste à quelques mètres, le regardant d’un air en apparence bienveillant. Mais il ne se laisserait pas avoir.
« Conan-kun, est-ce que ça va ? »
C’était Ran-neechan. Elle avait à nouveau l’air inquiète. Mais il y avait de quoi.
Il devait faire quelque chose. Mais il sentait qu’il ne devait pas lui dire que cette femme était si dangereuse. S’il disait cela ouvertement, elle pourrait s’en prendre à elle aussi, et à Oji-san.
Mais il devait faire quelque chose.
« Je… je veux rester avec Ran-neechan ! »
Comme pour appuyer ses propres dires, il se jeta contre les jambes de l’adolescente et les serra du mieux qu’il put, sans pour autant masquer cette mine effarée qui trônait sur son visage.
Ce geste pour le moins inattendu fit sursauter les deux aînées, sans qu’aucune d’elles ne sût comment réagir durant quelques secondes.
La femme pouvait bien essayer de le convaincre de partir avec elle, il refuserait. Il refuserait jusqu’à ce que ses insistances soient trop prononcées pour ne pas être dignes de soupçons. Il refuserait jusqu’à ce que Ran-neechan comprît que quelque chose n’était pas clair, et…
Non. Cela la mettrait en danger. Il ne le fallait pas.
Mais il ne voulait pas suivre cette femme.
Il ne voulait pas mourir.
Il avait peur de mourir.
Elle s’approchait de lui tout doucement. Elle se penchait vers lui avec un regard intrigué.
« Enfin, Co-chan, tu ne te souviens vraiment pas de ta maman ? »
Ran-neechan ne pouvait pas le voir, alors il lui lança un regard noir et tranchant montrant qu’il ne se laisserait pas attraper.
Tout d’abord prise au dépourvu à la vue de ces deux yeux sombres et aussi haineux, elle parut réfléchir, puis comprendre.
Comme si elle n’avait pas compris auparavant. Mais ce n’était pas logique, puisqu’elle était venue pour le tuer.
À moins que…
Non. Ce n’était qu’un stratagème de plus pour le duper. Cette femme était vraiment machiavélique.
Il eut alors une idée. C’était risqué, mais c’était au moins une manière de convaincre Ran-neechan qu’il devait rester.
« Pourquoi vous m’avez abandonné ici, Papa et vous ? »
Silence.
« Enfin, Co-chan, qu’est-ce que tu racontes…? » bégaya-t-elle avec une voix très douce et très calme.
La femme semblait ne pas du tout comprendre la situation. C’était à peine si une tonalité interrogative était audible dans sa question. Comme si la perplexité était telle qu’elle en avait oublié qu’elle posait une question.
« Vous ne pouviez pas vous occuper de moi ? Vous préfériez me laisser à la charge de gens qui sont à l’autre bout du monde ? Pourquoi vous ne venez me chercher que maintenant ? C’est seulement parce que je suis amnésique que vous pensez que je ne peux pas me débrouiller seul comme avant ? »
Silence. La femme s’était relevée.
Ran-neechan était éberluée. Auparavant, il ne s’était jamais inquiété, n’avait même jamais parlé de ses parents, ni de la relation qu’il entretenait avec eux. Et voilà que désormais, il remettait tout en question.
« Ran-neechan s’inquiète toujours pour moi, et elle s’occupe de moi tout le temps ! Même elle ne sait quasiment rien de vous, ni même comment vous contacter ! Vous ne nous appelez donc jamais pour avoir de nos nouvelles ? »
La femme parut hésiter, le regard sombre. Puis elle acquiesça maladroitement, semblant troublée.
« Bien, Co-chan. Si tu préfères rester ici, alors je ne t’en empêcherai pas… Si cela ne vous dérange pas, bien sûr. », ajouta-t-elle en relevant la tête vers l’adolescente.
Ran-neechan affirma qu’il pouvait rester sans que cela ne créât le moindre souci, mais elle avait l’air désorientée. Lorsque la femme repartit et qu’elle se tourna vers lui pour lui demander ce qui l’avait pris, il baissa le regard embarrassé.
« Pourquoi as-tu fait ça, Conan-kun ? Tu n’avais jamais fait ça, avant…
- Je… suis désolé, Ran-neechan. Je ne peux pas te le dire. »
Il hésita rapidement, puis ajouta :
« C’est trop dangereux. »
⁂
« Alors ? Il est avec toi et tu as pu tout lui expliquer ?- J’avais raison, il s’en est souvenu. Ce n’était vraiment pas le bon costume. On n’a plus aucune chance de le mettre en sécurité aux États-Unis avec nous, maintenant. »
Elle poussa un profond soupir.
« Vraiment, alors ! Même amnésique, notre Shin-chan est toujours aussi entêté… »
~~~~~~~~~~ À suivre ~~~~~~~~~~
PS : Désolée si les couleurs ne fonctionnent pas, au début. Sur mon document Word, c'était beaucoup plus facile à gérer... ^^'Au pire, si je n'y arrive vraiment pas, j'enlèverai ça. <_<'
Dernière édition par Kokopelli le Dim 6 Avr - 16:24, édité 2 fois
Kokopelli- Messages : 143
Date d'inscription : 09/02/2014
Age : 27
Localisation : Probablement entre une chaise et un clavier... cela me semble pour le moins logique.
Re: [Fiction] Full Ace
Tu n'es pas payé, tu n'es pas sous contrat, tu n'es pas une esclave et tu n'es pas attaché à un lit par une lectrice psychopathe prête à te briser les jambes (enfin, j'espère pour toi), donc tu es parfaitement libre de choisir d'écrire ce que tu veux, quand tu le veux et comme tu le veux...
Après, tu as le risque de perdre certain lecteur en cours, c'est sûr, mas dis-toi que ce risque tu le cours en permanence quoi que tu fasse... Si tu choisis tel thème plutôt que tel autre, tu perdra certains lecteur en même temps que tu en gagneras d'autre, idem si tu choisis de mettre en scène une histoire de telle manière plutôt que tel autre, de préférer un couple à un autre, etc...
Enfin bon, à toi de voir... Mais honnêtement, je pense que si tu ne prends plus de plaisir à écrire une fic, les lecteur n'en prendront pas non plus à lire ce que tu te forceras à faire pour eux...
Trois? Ca va encore...
Bonne chance avec ce projet qui semble te tenir à coeur.
Après, tu as le risque de perdre certain lecteur en cours, c'est sûr, mas dis-toi que ce risque tu le cours en permanence quoi que tu fasse... Si tu choisis tel thème plutôt que tel autre, tu perdra certains lecteur en même temps que tu en gagneras d'autre, idem si tu choisis de mettre en scène une histoire de telle manière plutôt que tel autre, de préférer un couple à un autre, etc...
Enfin bon, à toi de voir... Mais honnêtement, je pense que si tu ne prends plus de plaisir à écrire une fic, les lecteur n'en prendront pas non plus à lire ce que tu te forceras à faire pour eux...
Trois? Ca va encore...
Bonne chance avec ce projet qui semble te tenir à coeur.
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